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TALLEYRAND D'APRES GERARD




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UN JUGEMENT DE VILLEMAIN

SUR LE PRINCE DE TALLEYRAND

PAR

HENRI WELSCHINGER



LA NOUVELLE REVUE - NOVEMBRE-DECEMBRE 1894



FRAGMENT INEDIT





Il sera dit que les Mémoires du prince de Talleyrand susciteront à tout instant des surprises nouvelles. J’ai déjà découvert dans la copie de M. de Bacourt, déposée à la Bibliothèque nationale, un plaidoyer inédit de l’honorable diplomate en faveur du prince, à propos de l’affaire du duc d’Enghien, qui, à vrai dire, dissimulait fort mal la responsabilité du ministre des affaires étrangères dans les tristes évènements de 1804 (1).

Mais ce n’était pas tout. A la suite du plaidoyer figuraient quelques pages de Villemain, que M. de Bacourt appelait lui-même « un morceau inédit des écrivains les plus distingués de notre temps ». Ces pages, elles non plus, n’ont pas été jugées dignes de paraître avec les Mémoires auxquelles elles étaient incorporées.

Après avoir revu de près l’œuvre de Villemain, je me suis convaincu que le fragment en question n’avait été reproduit nulle part. Sa place semblait cependant tout indiquée dans l’étude consacrée à M. de Narbonne. Et ce que Villemain y dit de favorable sur M. de Talleyrand est d’une identité parfaite, comme style et comme fond, avec le morceau que j’ai retrouvé. On sait que Villemain s’était plu à défendre M. de Talleyrand avec une foi et une vigueur surprenantes. Il prétendait qu’il avait été calomnié « comme tous les hommes d’Etat qui ont longtemps prospéré sous des températures et dans des conditions fort diverses (2) ». Il constatait assez ingénument « que les hommes ne pardonnent pas la continuité du succès, quand elle survit à l’extrême mobilité des circonstances ». A cela, il est permis de répondre qu’une telle faveur est aussi insolente qu’insolite et que le spectacle de l’immoralité triomphante est un de ceux qui doivent le plus révolter la conscience humaine. Nous savons bien que le fait accompli a et aura toujours des admirateurs prêts à le louer et des hommes hardis prêts à le défendre, même s’il a réussi en dépit des principes et de la morale la plus simple. C’est ce que le Sénèque disait en termes énergiques :

Prosperum ac felix scelus

Virtus vocatur…

Mais l’approbation du succès qui a été obtenu à n’importe quelles conditions constitue nécessairement un fait contraire à la dignité de l’homme et une offense à la justice.

Or, dans son admiration excessive, Villemain affirme, comme s’il eût réellement ignoré les faits et les choses, que « M. de Talleyrand ne trahissait personne, était incapable de donner un conseil pervers et n’avait aucune rancune. S’il n’avait pas toujours fait le bien, ajoute-t-il, il n’avait jamais encouragé le mal, ni appuyé l’oppression. » Est-ce bien là le portrait de l’ambitieux de la Constituante, de l’approbateur du 10 août et du 18 fructidor, du complice des 15 et 21 mars 1804 ? Non certes. Alors comment expliquer ce jugement approbateur ? Par le fait que le sang-froid extraordinaire de Talleyrand avait produit la plus vive impression sur l’esprit de Villemain. Il admirait, de bonne foi, cet homme qui pratiquait mieux que personne le nil mirari. Or, il était mal renseigné, car le chancelier Pasquier nous apprend que si le prince venait « à être pris au dépourvu par quelque circonstance irritante, ou s’il n’était pas averti de se tenir en garde contre sa colère, elle s’exhalait alors par les mots les plus grossiers (3)… » Il n’y avait qu’une chose qui le laissait impassible, c’était la disgrâce de ses amis. Villemain constate lui-même que son esprit ingénieux lui fournissait alors mille raisons de patience pour autrui.

C’est avec cette finesse et cette indulgence agréables que le célèbre écrivain a rédigé les pages qui vont suivre. Etaient-elles destinées à paraître seulement dans les Mémoires, pour renforcer les arguments laudatifs de M. de Bacourt ? Je le crois. Tout me porte à penser qu’elles ont été composées à la demande de l’exécuteur testamentaire, qui s’occupait si pieusement de colliger tout ce qui lui paraissait de nature à défendre la mémoire de son maître.

L’approbation, presque sans réserves, de Villemain est loin de me déplaire et puisqu’une confrontation minutieuse de la copie authentique des Mémoires avec l’imprimé m’a amené à la découverte de ce fragment remarquable, je tiens à en faire profiter le public éclairé, quelques restrictions que j’aie, par la suite et pièces en main, à apporter à tant d’éloges.

A la fin de sa note personnelle sur l’attitude de M. de Talleyrand dans l’affaire du duc d’Enghien, M. de Bacourt déclarait qu’il voulait dédommager le lecteur de la longueur de cette note, en lui donnant « comme témoignage de son impartialité » deux appréciations du caractère et de la conduite du prince (4). L’une était tirée de la biographie de Mignet, que tout le monde a lue. L’autre était le morceau inédit de Villemain, intitulé : Observations sur quelques passages de l’Histoire du Consulat et de l’Empire, de M. Thiers. Ces observations, des plus piquantes, portaient sur le début du dixième volume paru en 1851 (5). M. Thiers avait raconté le retour foudroyant de Napoléon à Paris, dans la nuit du 22 au 23 janvier 1809, sa préoccupation de savoir les esprits inquiets de la guerre d’Espagne et d’une guerre possible avec l’Autriche, son dépit contre un commencement d’opposition dans le Corps législatif et surtout sa fureur contre les sourdes menées de Fouché et de Talleyrand redevenus amis. L’historien du Consulat et de l’Empire avait clairement démontré les tendances de Fouché à se rendre nécessaire et en même temps son adresse à endormir la confiance de l’empereur, puis la disgrâce de Talleyrand survenue par sa propre faute. Suivant M. Thiers, le prince avait eu tort de quitter le ministère, en 1807, par une sorte de boutade. N’ayant point été compris au nombre des grands dignitaires, comme tant d’autres qui ne le valaient certes pas, il en avait vivement souffert dans son orgueil. Aussi avait-il offert sa démission. « Si petits sont eux-mêmes, reconnaît sir Bulwer, qui le ménage pourtant, les plus grands d’entre nous ! » Puis il avait essayé de reconquérir la faveur impériale en se faisant l’instrument actif de la politique qui avait amené la guerre d’Espagne. Mais du jour où cette guerre était devenue impopulaire, il l’avait désavouée, comme il désavouait toute entreprise qui ne réussissait point à son gré.

Talleyrand était allé jusqu’à dire partout qu’il n’avait point conseillé la guerre d’Espagne. Il parcourait les salons, affirmant son opposition formelle à de telles aventures. Remontant même à l’affaire du duc d’Enghien, il en rejetait toute la responsabilité sur l’empereur.

A la surprise générale, il s’était réconcilié avec Fouché, après dix ans de haine et de dénigrement réciproques. Ces deux hommes se répandaient en prédictions menaçantes. Ainsi, Napoléon pouvait périr en Espagne sous le poignard, ou en Autriche sous les balles. Que deviendrait alors la France ? A qui offrirait-on le trône ? Le bruit courait qu’ils avaient pressenti Murat et que cet ambitieux, soutenu par sa femme, n’avait point protesté. Les correspondants secrets de l’empereur, tels que La Valette, Fiévée et Mme de Genlis, l’avaient averti de ces dires et de ces manœuvres. Aussi Napoléon arrivait-il comme la foudre, prêt à frapper (6). L’empereur secoua le prince avec la brutalité d’un soldat. Il lui jeta à la face les paroles les plus blessantes. Il le menaça des gestes les plus outrageants devant Cambacérès, Lebrun, Fouché, Decrès et Mollien. M. Thiers ajoutait qu’au sortir de cette scène effrayante, M. de Talleyrand fut tellement affecté que les médecins craignirent pour sa vie. Cet émoi ne l’empêcha pas, après avoir restitué sa clef de chambellan, de reparaître peu après aux Tuileries, jusqu’à ce que le maître, lassé de tant d’humilité et de constance, finit par agréer sa soumission.

A ces faits indéniables, Villemain, sollicité par M. de Bacourt, essaya de répondre par l’habile apologie qu’on va lire et après laquelle je me permettrai certaines rectifications nécessaires.

Quelques personnes se souviennent d’avoir entendu, il y a bientôt un quart de siècle, vanter ou prédire les talents supérieurs de M. Thiers par un homme d’Etat célèbre dont le suffrage donnait la renommée. Elles ont encore présente cette parole impérative, quand elle louait avec affectation, et ce ton de certitude satisfaite dont M. de Talleyrand annonçait que l’auteur de la Nouvelle histoire de la Révolution avait tout compris, tout deviné ; qu’il commanderait dans les affaires par l’intelligence et serait obéi.

Un jour, entre autres, que M. de Talleyrand revenait à cette prédiction, en parcourant, de ce coup d’œil qui lisait si vite, un nouveau volume de M. Thiers, le général Foy souriait, sans contredire. « Vous êtes un grand orateur, mon cher général, reprit alors le prince ; mais, je vous le dis, ce jeune homme a le cœur hardi comme vous, et il parlera comme Barnave, avec plus de raison politique. » Puis, M. de Talleyrand insistait de nouveau, avec ce goût pour l’esprit et la personne, qui est involontaire peut-être, mais dont il faut savoir gré. Car la bienveillance portée jusque-là est le présent le meilleur et le plus rare qu’on puisse faire jamais.

Cela bien reconnu, il est permis de regretter aujourd’hui que M. Thiers n’ait pas pour le souvenir de M. de Talleyrand quelque chose de la prédilection ou plutôt de la justice que M. de Talleyrand avait pour l’avenir de M. Thiers. En lisant ce dixième volume de l’Histoire de l’Empire, si complet, si animé dans le récit des batailles, on est, dès le début, disposé à trouver bien inégales les balances où l’auteur pèse deux hommes que la postérité ne comparera pas sans doute (car qui peut se comparer à Napoléon ?), mais qu’elle n’oubliera ni l’un ni l’autre et dont il ne faut sacrifier le plus sage au plus grand. Pourquoi, comme fait ici l’historien, donner à l’un toute supériorité et toute raison, alors même qu’il est violent et inconséquent, et imputer à l’autre des torts de faiblesse et de perfidie, alors qu’il fut prévoyant, sincère à propos et hardi dans une résistance qui commence à éclater pour le public en 1809, mais qui s’était fait sentir auparavant ? L’historien oublie-t-il que lui-même, dans le volume précédent, avait indiqué déjà le dérangement de la fortune et de la politique impériales et la voie fausse où elles étaient entrées ? Une des supériorités de M. de Talleyrand fut d’avoir de bonne heure pressenti cette déviation, d’en avoir librement averti, d’avoir prévu, d’avoir prédit et d’être resté ferme, après la prédiction accomplie, devant celui qui s’en irritait comme d’une offense. Mais il faut voir sur quels fondements raisonne ici l’historien pour arriver, lui toujours si judicieux, à penser sur ce point comme l’empereur en colère.

Nous sommes en 1809, et M. Thiers, avec son admirable netteté, énumère les difficultés, les griefs, les résistances d’opinion, les malins propos que l’empereur, à son brusque retour d’Espagne, trouve à Paris. « La situation de M. de Talleyrand, dit l’historien, après avoir décrit celle de M. Fouché, était aussi fort compromise et par sa faute. Il avait donné plus d’un sujet de défiance et de déplaisir à Napoléon, surtout en quittant le ministère des affaires étrangères en 1807, pour le vain motif de devenir grand dignitaire de l’Empire. »

On cherche dans ces paroles la spirituelle impartialité naturelle à M. Thiers. Depuis quand l’acte de quitter un ministère n’a-t-il pas quelque mérite de signification et de courage, surtout devant l’homme qui avait coutume de dire : « Je ne reçois pas de démission ; j’en inflige » ? Dans la réalité, la retraite de M. De Talleyrand, en 1807, tout en donnant, comme le dit M. Thiers, à Napoléon un sujet de défiance et de déplaisir, témérité fort rare alors, était un avertissement sincère et utile. C’était la première protestation contre cette politique d’envahissement illimité que M. de Talleyrand avait vue de trop près et dont il calculait trop bien la conséquence extrême pour voir en rester le conseiller responsable et le premier instrument diplomatique. Il ne quitta donc pas le ministère des affaires étrangères en 1807 pour le vain motif de devenir le grand dignitaire de l’Empire ; mais il accepta, il souhaita même, si vous voulez, le titre de grand dignitaire, de vice-grand électeur, pour ne plus être ministre des affaires étrangères.

Cette séparation, qui n’était ni sans sagesse ni sans courage, ne put se faire qu’après bien des dissentiments intérieurs, bien des contradictions avancées ou devinées, bien des avis restés inconnus, bien des insinuations qu’il est permis de supposer sur le danger de la guerre à outrance avec tout le monde et de la conquête sans terme. Napoléon entendit là, pour la dernière fois avant le péril suprême, la voix d’un esprit éminent qui savait douter de la fortune au milieu même de la plus enivrante prospérité. Il ne sut pas se ménager plus longtemps cette opposition intérieure et amie. Il perdit la libre discussion dans son cabinet, comme il l’avait supprimée partout ailleurs. Nous ne dirons pas dédaigneusement qu’il n’entendit plus que des flatteurs, car souvent cette flatterie était de bonne foi, née de la grandeur des choses et de l’impuissance à voir au-delà ou en dehors du génie d’un tel homme ; mais cette flatterie, pour cela, n’en était pas plus salutaire. L’éblouissement devenait universel et rejaillissait seulement avec plus de force sur celui qui le causait. L’empereur remplaça aux Affaires étrangères la raison supérieure et calme, le jugement indépendant et trop élevé pour ne pas l’être par le dévouement docile et l’adhésion enthousiaste, M. de Talleyrand par M. de Champagny, auparavant ministre de l’intérieur, ce qui fit dire dans Paris : « Décidément, l’empereur songe à mettre l’Europe en préfectures. » Cela même ne suffit pas, et plus tard l’empereur mit aux affaires étrangères M. le duc de Bassano lui-même, c’est-à-dire l’écho de sa propre voix.

Il y avait là pour M. Thiers le sujet d’une réflexion profonde sur les inconvénients non pas seulement de la puissance absolue, mais de la pensée unique. Cela était plus digne de plus qu’une épigramme sur la vanité prétendue d’un homme d’Etat, qui n’avait pas de vanité précisément parce qu’il avait une assez grande fierté et qu’il sentait et aimait parfois à faire sentir la force de son esprit dans les choses importantes.

A une époque aussi, l’empereur avait apprécié les services qu’il tirait de cette alliance et parfaitement compris un besoin qu’il oublia plus tard, dans l’habitude du succès du silence. Il avait approuvé parfois jusqu’à la lenteur calculée par laquelle M. de Talleyrand retardait l’impétueuse volonté qu’il n’avait pu d’abord calmer. Il avait senti le prix de cette expérience, pleine de vues et d’idées, qui savait tant de choses sur l’ancienne Europe, utile encore pour dominer la nouvelle, et qui souvent l’avait lui-même éclairé et arrêté d’un souvenir ou d’un mot. Je ne sais s’il regretta dans la suite ce contrariant appui ; mais un esprit droit et un des hommes qui restèrent le plus fidèles au malheur de Napoléon, M. de Gaulaincourt, son zélé ministre des affaires étrangères en 1813, ne se faisait pas faute de reporter à la fin de 1807 et à la retraite de M. de Talleyrand les premières imprudences fatales de l’Empire et le déclin de cette prodigieuse fortune, dont il défendit les derniers restes avec tant de dévouement.

Après une interprétation évidemment peu juste de la retraite de M. de Talleyrand, M. Thiers suppose que le ministre démissionnaire, malgré l’empereur, se fit aussitôt l’instrument actif de la politique qui avait amené la guerre d’Espagne, puisque la guerre d’Espagne ayant encouru l’universelle réprobation, elle ne lui avait plus paru bonne qu’à désavouer ; que ses confidences sur ce point étaient devenues publiques et que, redites à l’empereur, elles lui donnaient un très juste motif de colère contre une censure rigoureuse qui remplaçait si vite des avis trop complaisants.

La fascination pour le génie de Napoléon, lors même qu’il y a nécessité absolue de le blâmer, semble ici dominer singulièrement M. Thiers. Pourquoi, lui, qui a justement qualifié la perfide et imprudente occupation de l’Espagne, trouve-t-il mauvais que M. de Talleyrand ait été de cet avis en 1809 ? Pourquoi impute-t-il à une sorte de timidité devant l’opinion publique ce qui s’explique si naturellement par le bon sens et la prudence ? Sur quels fondements prétend-il que M. de Talleyrand s’était fait l’instrument de la politique qui avait amené la guerre d’Espagne, lorsqu’il est forcé d’avouer, quelques lignes plus bas, que M. de Talleyrand n’avait jamais partagé cette politique ? Il ne conteste pas, en effet, que M. de Talleyrand avait contredit d’abord l’envahissement qu’il blâma plus tard. Seulement, aux yeux de l’historien, ce n’était là qu’une question de forme. M. de Talleyrand, reconnaît-il, aurait conçu très bien la dislocation de l’Espagne au profit de l’Empire ; il aurait préféré ce démembrement à l’usurpation de la Couronne ; mais, au fond, c’était absolument même chose. C’est bien là le raisonnement de M. thiers. – Quoi ! Prendre dans un piège toute une famille royale, puis envoyer, soit Murat, soit Joseph fonder une dynastie dans Madrid, c’était même chose que de se faire céder la Navarre ou la Catalogne, comme au XIIIe siècle la France s’était fait céder Perpignan et le Roussillon qu’elle a gardés ? Le fait, c’est que M. de Talleyrand voyant l’empereur obsédé de l’idée de mettre un trône nouveau à Madrid et de renouveler brusquement l’œuvre si lente de Louis XIV, avait jeté à cette convoitise, comme une sorte de calmant, l’exemple de Richelieu, la séparation de la Catalogne tentée et presque accomplie en 1641 sous la protection française, spontanément réclamée, et qu’il avait ainsi opposé à la passion des remaniements dynastiques le principe de certaines extensions à donner aux frontières naturelles de la France. Il indiquait à ce sujet, avec sa raison fine et profonde, ce qu’il appelait la théorie des incorporations et celle des accessions :

« Les accessions sont la marée qui monte et se retire ; c’est la conquête du jour ou de l’année ; c’est la place marquée du camp, comme l’a sans doute entendu l’empereur, quand il a dit : « Là où est le drapeau, là est la France. » Mais tout ce qui est joint ainsi n’est pas réuni. Avec un grand génie et un long règne, les accessions peuvent s’affermir, et alors même elles se perdent souvent, comme l’Espagne a perdu les Pays-Bas, bien longtemps avant de courir aucun danger pour elle-même. Les incorporations seules sont la force durable d’un peuple, et le don sans pareil que lui fait un grand chef. Ça été la dot de toutes les dynasties nouvelles et le titre des plus grands règnes. La force de Hugues Capet, l’incorporation dont il dote la monarchie, c’était le grand fief indépendant qu’il réunissait à la couronne. Que reste-t-il de Louis XIV avec la gloire immortelle des arts ? Strasbourg et Besançon, l’Alsace et la France-Comté. Qu’est-ce qui a fait la grandeur de Frédéric II et l’existence durable de la Prusse ? L’incorporation de la Silésie. Cette loi de tous les établissements politiques importants, cette puissance d’agrégation contiguë s’applique également aux plus gigantesques fondations d’empires. Alexandre, en conquérant l’Asie et semant sur sa route des royaumes dépendants, aurait bien fait d’agrandir immédiatement sa Macédoine proprement dite. Elle serait tombée moins facilement après lui. » - Puis il finissait l’entretien à peu près par ces paroles, qu’il citait longtemps après à un homme de lettres accueilli près de lui, sans songer qu’elles seraient un jour la meilleure réponse aux hypothèses, bien imprévues alors, d’un historien célèbre : « A tout prendre, sire, vous pourriez vous constituer, de votre personne, le conquérant roi d’Espagne ; non pas son Charles-Quint, mais son Charlemagne, plus puissant que l’ancien qui n’y a pas réussi. Elle serait fière de vous, ce qui console un peu d’être sujette. Et peut-être, en l’usurpant vous-même, n’auriez-vous à combattre que le reste de l’Europe ? Mais vous ne pouvez la donner à un autre, ni en propriété, ni par procuration, sans la soulever d’abord elle-même, et bientôt tout le monde avec elle. En disposer ainsi est finalement impraticable et dangereux à tenter, même pour vous. Ce que vous pouvez, ce qui rentre dans la conduite ordinaire des Etats prépondérants vis-à-vis d’Etats voisins en décadence, ce qui se prépare en ce moment contre la Suède et au sujet de la Finlande, ce que Votre Majesté peut supporter ailleurs et faire à sa porte, ce serait de détacher de la vieille monarchie une ou deux provinces, une lisière basque et navarraise, une suite des Pyrénées, une barrière de montagnes et de côtes maritimes jusqu’à Barcelone. C’est ce pays que, dès nos vieux temps barbares, le traité de Verdun donnait à la France, et qui, sous Louis XIII, voulait de lui-même se donner à la France. Nous avons ses offres d’alors, et, dans le fond, il peut s’assimiler à notre Béarn plus qu’il n’appartient au reste de la vieille monarchie castillane. Politiquement et ambitieusement, il n’y a que cela de possible sur l’Espagne. Maintenant, il y a peut-être mieux à faire : c’est de ne lui rien prendre, d’user de son dévouement sous le nom de ses rois, et de la posséder, comme aujourd’hui, par influence et avec modération ; mais le pire, l’impossible, c’est de la prendre tout entière, pour la donner à qui ? »

Cet ancien et opiniâtre avis de M. de Talleyrand était connu avant 1809, époque où on lui reproche de l’avoir trop indiscrètement énoncé. Un homme qui, malgré bien des liens de famille et d’ancienne intimité, pouvait n’être que juste envers M. de Talleyrand citait ce fait déjà comme un souvenir en 1812. Parlant des fatalités de l’Empire, qu’il venait de servir avec tant de courage, « Talleyrand, disait M. le comte Louis de Narbonne, avait eu bien raison, dès l’origine, sur l’affaire d’Espagne. Le mal nous vient du Midi comme du Nord. Où s’arrêtera maintenant la calamité ? » Et il appuya quelque temps la main sur son front avec tous les signes d’une profonde tristesse, lui dont l’empereur avait si récemment signalé, dans le plus affreux péril, le calme héroïque et ce qu’il avait appelé la gaieté.

Quoi qu’il en soit de ces souvenirs, cette première dissidence, lorsque l’événement l’eut justifiée, donna beaucoup d’irritation à l’empereur, vers le temps indiqué dans le récit de M. Thiers. Mais la justice de cette humeur, la façon dont elle éclata, la manière dont elle fut supportée, tout cela nous semble peu exactement raconté et avec une sorte d’éblouissement partial pour le puissant génie dont M. Thiers cependant dépeint ailleurs les fautes. Que M. de Talleyrand, qui admirait aussi et connaissait bien ce génie, ait tenu fortement à l’avis qu’il avait exprimé avec tant de chances de déplaire, cela est évident ; il fut inquiet de l’entreprise, inquiet du début, inquiet de la suite, inquiet du séjour de l’empereur en Espagne. Mais cette inquiétude exprimée n’était encore qu’un loyal avertissement, plus hardi dans la forme, pour devenir, s’il était possible, plus efficace. Par là, il suffit à faire de M. de Talleyrand seul une sorte de parti de l’opposition, au milieu du silence officiel de la France ; et, dès lors, sa parole dite, et parfois sa parole supposée, fut comme un signe de ralliement dont se rapprochaient les serviteurs de l’Empire mécontents ou prévoyants, et sans doute aussi ses ennemis cachés, car il n’en avait guère d’autres alors.

Quelque chose de mieux, cependant, qu’une pensée personnelle et une prévoyance égoïste inspirait en cela M. de Talleyrand. Ce personnage, comme l’appelle M. Thiers, était après tout un homme du XVIIIe siècle, dans le meilleur sens du mot, un ami, un adhérent de cœur des esprits généreux de l’ancienne société et de l’Assemblée constituante. Sans en avoir gardé, ou peut-être même sans en avoir jamais partagé les illusions, il avait quelques-uns de leurs principes fortifiés dans ses séjours d’Angleterre et d’Amérique. C’étaient là, du moins, ces anciennes traditions auxquelles il fait allusion, bien des années après, dans sa lettre publique au roi Louis-Philippe, à l’époque où, plein de force d’esprit, à plus de quatre-vingts ans, il voulu quitter l’ambassade d’Angleterre et se retirer tout à fait des affaires, laissant la nouvelle monarchie en paix et en jouissance. En 1809, ces mêmes principes, moins éprouvés par le temps et moins appelés par le vœu public, étaient cependant, chez M. de Talleyrand la conviction d’un esprit trop éclairé pour être jamais emporté par une seule vue des choses humaines et trop calme pour repousser le bien, en raison de l’abus qu’on en a fait. Il détestait et avait pressenti de bonne heure tout ce qui mène à l’anarchie. Personne n’avait mieux aperçu et plus habilement secondé le retour vers l’unité de pouvoir ; personne n’avait mieux compris ce que la force avait à faire pour rétablir l’ordre qui, seul, ramène le droit. Mais en même temps, et par cela même, il souhaitait, sinon des résistances ennemies, au moins des barrières à cette force. Il croyait à la puissance de l’opinion, ou, si vous voulez, de l’esprit. Il y voyait un obstacle, un arrêt, un tempérament à cette volonté absolue, dont il avait, en 1807, jugé l’ardeur croissante et décliné le service trop immédiat.

Dans la faiblesse des corps politiques, dans l’anéantissement de toute presse libre, dans le silence ou l’acclamation trompeuse de la cour et de l’armée, il avait un peu, par habitude d’esprit de ses premières années, beaucoup espéré de l’opposition de salon ; et il en avait donné le signal. Il connaissait bien la France et l’empereur ; chez l’une, la puissance d’un mot, quand il n’y a point de place aux libres discussions, et, chez l’autre, le désir passionné d’être approuvé en certains lieux, loué par certains esprits, enfin le besoin d’apparaître non pas seulement comme vainqueur et maître, mais comme le protecteur éclairé de la société polie. Quand rien ne faisait plus d’obstacles aux volontés violentes et aux fautes, M. de Talleyrand crut possible d’user encore de cette dernière et insaisissable force pour arrêter la toute-puissance par son orgueil même. De là ces désaveux publics et ces blâmes dont parle l’histoire et qui remontaient avec grande raison jusqu’à l’affaire du duc d’Enghien, comme un appel de compte sévère que la mémoire des hommes fait avec la renommée des plus illustres, et comme un avertissement de tout ce qu’un grand blâme encouru impose de réparations et d’efforts pour rassurer et satisfaire.

Ce tribunat de l’esprit, cette liberté politique des conversations qui avait été si puissante au XVIIIe siècle, impuissante sous la Terreur, redoutable et désordonnée sous le Directoire, comprimée et éblouie sous le Consulat, M. de Talleyrand la ranime tout à coup en 1809. De son hôtel, il la fait rayonner autour de lui ; il ne la porte pas seulement sur un terrain de tout temps hostile à l’Empire, dans quelques anciennes maisons que, tout dissentiment à part, sa naissance et ses amitiés lui avaient toujours attachées ; il ne se montre pas seulement sévère sur les fautes de l’Empire avec ceux qui ne l’aimaient pas : il fait circuler l’opposition jusque dans le palais de l’impératrice, chez Mme de Rémusat, d’un esprit distingué, d’une âme vive et libre, la personne même qu’on citait pour avoir, à une soirée de Saint-Cloud, joué si mal aux échecs avec l’empereur qui cherchait une distraction, et interrompu la partie par des larmes généreuses. Nulle société n’était alors plus agréable à M. de Talleyrand ; et dans ce salon choisi, mais parfois nombreux, il s’exprimait avec une liberté piquante dont rien sans doute n’était perdu. Ce jeu était hardi ; il s’aggravait aux yeux de l’empereur absent par la circonstance dont parle l’historien et que nous avons lue avec plus de détails dans les Mémoires inédites qui seront un jour fort recherchés. Ce fait, alors très remarqué, c’était le rapprochement nouveau de M. Fouché et de M. de Talleyrand, leurs rapports publics, ostensibles, c’est-à-dire les deux forces opposées que l’Empire avait voulu s’assimiler : d’une part, le reste de la Révolution avec son astucieuse hardiesse ; de l’autre, le reste de l’ancienne société et des vœux de 1789 dans ce qu’ils avaient de plus modéré et de plus habile, s’unissant pour gêner et avertir le pouvoir qu’ils avaient servi chacun pour sa part et très diversement. Cette relation commença du côté de M. Fouché par des visites publiques au jour de réception du grand électeur. Ces prévenances furent rendues à l’hôtel du ministre avec d’apparentes intimités d’entretien qui frappaient la foule des visiteurs.

L’empereur, informé courrier par courrier, vit là un complot très grave et d’abord une disposition séditieuse à la croire mortel et à calculer éventuellement le choix du successeur qu’un malheur soudain pouvait rendre nécessaire. En effet, parmi les arguments que, deux ans auparavant, M. de Talleyrand avait opposés d’une mainmise violente sur la couronne d’Espagne, il y avait ce qu’il appelait le fanatisme somnolent de cette nation pouvant se réveiller tout à coup par quelque attentat désespéré ; il avait rappelé l’assassinat religieux du roi de Portugal ; il avait parlé de moines espagnols implacables et obéis et de conspirateurs absous d’avance. C’était le langage d’un conseiller vrai, ne doutant plus tard de l’empire qu’à regret et après l’avoir averti de ses périls. Toutefois, quand l’empereur revint subitement d’Espagne, mécontent de ses généraux, de ses troupes mêmes et fuyant un peu devant l’espèce de danger que M. de Talleyrand lui avait annoncé, il était fort naturel que cette prédiction d’une part, ce danger de l’autre, le tout augmenté des rapports qu’il avait reçus pendant la campagne sur les conversations habituelles de M. de Talleyrand et sur les visites extraordinaires de M. le duc d’Otrante, lui donnassent une violente colère à épancher.

De là, en arrivant à Paris, ses premières menaces et ses plaintes à l’archichancelier sur la réunion trop significative de deux hommes qui, pour lui, représentaient l’audace de la Révolution et la raison de l’ancien régime. Car, à toutes les époques, irrité ou non, rien de M. de Talleyrand ne lui paraissait frivole. De là encore, deux jours après dans un conseil de cabinet, où assistaient les grands dignitaires et les ministres, cette scène que M. Thiers peint énergiquement et dont il ne pouvait exagérer la violence, scène où l’empereur, après des généralités violentes, des allusions trop claires sur les mécontents et les traîtres, marchant à grands pas, apostropha tout à coup M. de Talleyrand qui se tenait immobile, adossé à une cheminée, et lui rejeta en termes injurieux et la guerre d’Espagne et cet autre acte terrible dont lui-même, à Sainte-Hélène, a pris et gardé la responsabilité à sa dernière heure. Sur l’impétueuse colère, les menaces, les gestes de l’empereur, le récit est exact. Mais là finit cette exactitude. Sans faire tort au prudent ministre dont M. Thiers recueille exclusivement le témoignage, quelques autres spectateurs, d’un esprit plus libre, ne virent pas là seulement avec douleur cet abaissement de la double majesté du trône et du génie, comme parle l’historien. Ils restèrent frappés de l’attitude imperturbable de M. de Talleyrand, et de son silence qui leur semblait assez hautain et qui finit par embarrasser l’empereur lui-même, s’apercevant du torrent de contradictions et d’injures où la colère l’avait emporté.

A l’issue de cette scène, quand M. de Talleyrand se trouva seul avec les témoins officiels qu’elle avait eus : - « Quel malheur ! dit-il froidement, qu’un si grand homme soit si mal élevé ! » Et ce mot, dit pour être répété, n’était pas seulement un sarcasme adouci ; il était l’expression d’une fierté d’âme qui se sentait blessée et avait rompu sans retour.

Maintenant (et c’est ici que nous regrettons et dans le récit et dans le jugement une inexactitude involontaire sans doute, mais qui ressemblerait à la partialité) il n’y eut pour M. de Talleyrand, après cette émotion, ni maladie ni médecin ; il n’éprouva pas un saisissement qui ait fait craindre pour sa vie, comme le dit l’historien, en ajoutant qu’il n’avait nullement le courage de la disgrâce. Dans la réalité, M. de Talleyrand avait tous les courages ; et il serait difficile de citer une âme plus naturellement intrépide par audace innée, par sang-froid et aussi par une sorte d’ironie dédaigneuse qu’il appliquait volontiers à ses propres périls.

Le lendemain, il remit à son successeur désigné pour la charge de grand chambellan le signe de cette noble domesticité. Mais comme il restait grand dignitaire de l’empire, dès ce jour et sans interruption, il parut partout dans le monde et à la cour, s’exposant à la récidive d’une colère dont il gardait le souvenir et dont l’empereur avait quelque honte, comme on le voit dans ses entretiens de Sainte-Hélène, où il se reproche quelque part d’avoir trop offensé des hommes qu’il ne voulait pas abattre. Dès lors, en effet, M. de Talleyrand se sentit dégagé envers l’Empire. Dans les quatre années qui suivirent, il soutint le caractère, bien difficile alors, d’un mécontent réel et présumé, d’un censeur repoussé et redouté, d’un politique enfin qui, pour quelques prévoyances déjà trop réalisées, rend ses vœux suspects et sa présence importune ; rôle pénible, dangereux, mais qui le justifiera dans l’avenir plus qu’il ne l’accuse en 1809. Dès ce moment, en effet, sa situation ménagée à force d’art ne fut pas seulement la disgrâce, mais sa perte imminente.

Un homme distingué, l’ami de sa jeunesse, et, malgré bien des dissidences et des blessures d’opinion et d’amour-propre, rapproché de lui par l’attrait de la grâce et de l’esprit comme par le lien des souvenirs, M. le comte de Choiseul-Gouffier, disait vers ce temps, chaque fois qu’il revenait de l’hôtel Talleyrand : « En vérité, il me confond toujours, il n’a jamais été plus aimable et d’un esprit plus libre ; il a l’air de croire qu’il n’y a pas au monde de haute cour impériale ou de prisons d’Etat. Il ne songe pas que l’Espagne peut lui être aussi fatale qu’à Dupont, et qu’on lui en veut de son bon sens et de son ancien avis comme d’une capitulation de Baylen. » Et, en effet, M. de Talleyrand écarta un péril très voisin en n’y croyant pas, et en ayant l’air de dire, comme un autre personnage politique de notre histoire : il n’oserait.

Pareille allusion, sans doute, n’aurait pu s’appliquer cette fois que dans un sens plus modeste et bien éloigné de son origine. Il n’y avait pas devant l’empereur de duc de Guise pouvant se croire trop haut placé pour être frappé. Il n’y en avait pas plus dans son armée que dans sa cour. Mais il est certain aussi que M. de Talleyrand par lui-même et par les choses qu’il représentait, par sa réputation en France et en Europe, était une force avec laquelle se croyaient obligées de compter la plus hautaine impatience et la volonté la plus absolue.

Par lui, l’empereur communiquait encore avec une partie de la haute société en France et pouvait à tel jour venu la rassurer ou l’attirer. Frapper irrévocablement un tel otage de l’ancienne France, si bien lié à la nouvelle, et qui en comprenait les intérêts comme il en servait la grandeur, c’eût été une sorte de déclaration de guerre à ce que l’empereur, dans sa toute-puissance, croyait avoir besoin de ménager, à cette élite de la société polie dont il comptait les voix et redoutait singulièrement le blâme aristocratique et les censures mêmes, sous une apparence frivole et par ses voix peu fortes. C’eût été, pour ce premier public, un pas nouveau de fait vers une sorte de barbarie dans le pouvoir absolu. A Paris surtout, aux yeux de cette bourgeoisie nombreuse qui semblait alors la force de l’Empire après son armée ; pour cette classe moyenne, active, savante, industrieuse que l’Empire avait ralliée, organisée, appelée à une grande part, non du gouvernement, mais de l’administration, la répulsion absolue, la disgrâce complète, la persécution arbitraire de M. de Talleyrand eût inquiété, eût paru de mauvais augure pour la prudence du prince et le succès de sa politique. Tant était grande l’idée d’habileté, toujours accrue par le mystère diplomatique, qui dans l’opinion commune suivait alors le nom de l’ancien et célèbre membre de l’Assemblée constituante, du proscrit de 1793 devenu ministre de la République, de l’auxiliaire habile du 18 brumaire, du négociateur de la paix de Lunéville et d’Amiens, de l’approbateur du Concordat et du confident intime et ostensible des meilleurs temps du Consulat et de l’Empire ! Enfin, dans les rangs les plus élevés de l’armée, parmi les généraux, les maréchaux, dans cet état-major où était Bernadotte et d’où sortaient des rois, l’esprit supérieur de M. de Talleyrand imposait fort, était fort compté ; et ces vaillants hommes qui, au faite de la fortune, après de si rudes travaux, commençaient à voir avec répugnance le jeu terrible de la guerre se renouveler sans cesse et frapper de Desaix à Montebello, n’auraient pas vu sans regret et sans fâcheux pressentiment le plus habile organe de politique prudente et de paix tout à fait rejeté. Un prince dont la hauteur impérieuse, dont la violence même n’était pas étrangère à certaines précautions, et savait très bien qu’il ne faut pas toujours désespérer les opinions qu’on persiste à contrarier, ne pouvait négliger cette considération dans le public et près de lui. C’est par là, et non par l’excessive humilité dont fait mention M. Thiers, qu’il faut expliquer le terme moyen où s’arrêta comme interrompue la disgrâce de M. de Talleyrand, et comment, loin d’être relégué dans une sénatorerie, comme le duc d’Otrante, auquel l’historien l’a peu justement comparé, il ne fut pas même éloigné de la cour. Il continua d’être appelé dans les plus importants conseils par une volonté très mécontente de lui et toute-puissante, mais qui, devant certains hommes, n’osait pas tout ce qu’elle pouvait. En un mot, l’empereur crut souvent encore avoir besoin de recourir à des conseils qu’il n’avait pas suivis et dont il s’était même vengé avec plus de colère que de dignité. Il oublia, plus qu’il ne le répara, l’affront qu’il avait fait, et il y eut de sa part un de ces emportements et une de ces fautes que M. Thiers signale ailleurs comme les symptômes d’une volonté qui s’égare et d’une prospérité qui faiblit.

Ces réflexions forts simples, appuyées sur des faits, n’auraient pas été, ce semble, pour l’intelligence morale et politique de l’histoire, indignes de fixer l’attention impartiale de l’écrivain célèbre qui porte dans les choses de guerre, dans le récit des batailles, dans l’exposé des tactiques, et en général dans tous les détails d’organisation et de force matérielle, une si éminente habileté.

Après l’intéressant et remarquable exposé qu’on vient de lire, plusieurs observations s’imposent. Et d’abord, parce qu’un homme d’Etat a fait des compliments à un historien, faut-il admettre que celui-ci soit tenu à le payer de retour, au détriment de la vérité ? Ainsi, il suffirait de quelques éloges, plus ou moins sincères, pour interdire à qui de droit des critiques légitimes sur la faiblesse ou sur la perfidie d’un ministre, d’un diplomate ?… Je constate ici que ce n’est certainement pas à cette complaisance que manqua Villemain (7). Il a donné à la conduite politique de Talleyrand une approbation sans réserves. Il s’agit de savoir ici ce qu’elle vaut.

Villemain affirme que si le ministre des affaires étrangères s’est retiré en 1807, ce n’est point pour un vain titre, mais par protestation contre une politique d’envahissement illimité. Or cette retraite a été une retraite forcée, comme les évènements l’ont clairement prouvé. Il se demande, en outre, sur quelles preuves M. Thiers prétendait établir que Talleyrand s’était fait l’instrument de la guerre d’Espagne. Il les cherche vainement. Or il a reconnu lui-même que le prince avait conseillé l’annexion de la Catalogne et vanté la politique des incorporations. D’ailleurs, Talleyrand, dans ses Mémoires (8), avoue que, poussé à bout par les argumentations artificieuses de l’empereur, il lui avait conseillé de faire occuper la Catalogne jusqu’à ce qu’il parvint à obtenir la paix maritime avec l’Angleterre, quitte à la réunir définitivement à la France, si la paix tardait trop. Voilà donc un premier point fixé.

Mais croit-on que le simple détachement des provinces basques pour former une suite des Pyrénées eût été, à lui seul, une chose facile ? Nous savons qu’après la protestation de Charles IV contre son abdication, l’ambassadeur espagnol Yzquierdo était entré en négociations secrètes avec Duroc et Talleyrand, délégués de l’empereur. A quelle date ? En mars 1808. Donc, après sa sortie du ministère, qui devait constituer une protestation officielle contre les affaires d’Espagne, Talleyrand s’occupait encore de questions diplomatiques importantes, et, entre autres, des questions mêmes de la Péninsule. Que demandait-il alors à l’Espagne ? Un traité de commerce pour les Français et les Espagnols dans leurs colonies respectives, une cession de territoire et le règlement définitif de la succession au trône. Il parlait d’y élever le prince de la Paix. Il pressait Napoléon de se débarrasser de la seule branche de la maison de Bourbon qui gardât encore un rang parmi les familles souveraines, et c’est lui que Villemain nous dit opposé à l’aventure espagnole, lui qui, dès 1801, considérait « une rupture avec l’Espagne comme une menace risible » et parlait déjà de lui prendre une colonie !

Pour démontrer, en un mot, qu’une cession de territoire eût été presque aussi impossible que l’occupation entière de l’Espagne, il suffit de citer la réponse de l’ambassadeur. Yzquierdo repoussa l’abandon de la Navarre par ces énergiques paroles : « Je ne veux pas être en exécration à mes compatriotes ! » On voit comment était reçue la proposition d’une simple incorporation que Villemain trouve si patriotique. Mais M. de Talleyrand ne faisait pas porter ses critiques dans les salons sur la guerre d’Espagne proprement dite, car il savait bien qu’il l’avait conseillée. Il blâmait seulement la manière dont elle était menée et son blâme pouvait paraître fondé sur bien des points. Mais comment aurait-il attaqué de front une affaire « dont la conception première lui appartenait (9) » ? N’avait-il pas souvent répété cette phrase doctrinale : « La couronne d’Espagne a appartenu depuis Louis XIV à la famille qui régnait sur la France, et on n’a pas dû regretter ce que l’établissement de Philippe V a coûté de trésors et de sang, car il a seul assuré la prépondérance de la France en Europe. C’est donc une des plus belles portions de l’héritage du grand roi, et cet héritage, l’empereur doit le recueillir tout entier. Il n’en doit, il n’en peut abandonner aucune partie (10). » Le chancelier Pasquier eut, en 1829, l’occasion de consulter la correspondance de Napoléon et de Talleyrand pendant le séjour de l’empereur à Bayonne. Il affirme que non seulement Talleyrand ne fit aucune objection contre le système adopté par Napoléon, mais encore qu’il lui donna sa pleine approbation. Ne félicitait-il pas l’empereur, après la victoire de Somo-Sierra, et ne déclarait-il pas que la prochaine entrée du vainqueur à Madrid assurerait le rétablissement de la dynastie impériale sur le trône d’Espagne ? Il avait dit devant M. Pasquier lui-même : « Qu’on ait voulu chasser la maison de Bourbon, rien de plus simple, rien de plus commandé peut-être pour le solide établissement de la dynastie napoléonienne ; mais à quoi bon l’emploi de tant de ruses, d’artifices, de perfidies ? » C’étaient là ses seules restrictions. Il ajoutait : « Pourquoi n’avoir pas déclaré simplement une guerre pour laquelle on n’aurait pas manqué de motifs ? Dans cette guerre, la nation espagnole serait certainement restée neutre. Enivrée comme elle était alors par la renommée de Napoléon, elle aurait vu, sans le moindre regret, tomber une dynastie usée, et, après quelques combats faiblement soutenus par l’armée régulière, la péninsule tout entière serait passée avec joie sous le sceptre d’une maison qui déjà remplaçait si glorieusement en France celle qui avait donné Philippe V à l’Espagne. » Voilà l’homme qu’on voudrait nous montrer opposé radicalement à la guerre d’Espagne et à ses conséquences !

Villemain considère ensuite l’opposition soudaine du prince et ses intrigues avec Fouché comme un avertissement loyal. D’après lui, l’attitude hostile des salons était une barrière naturelle à la puissance débordante de Napoléon et formait la manifestation légitime de l’opinion publique. Il ignorait, je pense, que le prince de Talleyrand encourageait secrètement, d’une part, l’Autriche à profiter de la guerre d’Espagne pour hâter ses préparatifs et ses attaques, et que, de l’autre, il faisait naître chez Alexandre des défiances contre Napoléon et cherchait à rompre leur amitié. Mais Villemain ne connaissait que les propos mondains, et pour lui, c’était le tribunat de l’esprit. Il niait, avec la même désinvolture, que le prince eût participé à l’affaire du duc d’Enghien, si ce n’est contraint par les violences de Bonaparte et par la force des circonstances. Nous avons fait du chemin depuis ces assertions de Villemain. Les pièces officielles, les dépêches, les lettres, - je les ai citées ailleurs, - sont là qui se dressent vivantes et accusatrices contre celui qui a essayé de décliner une responsabilité qu’il avait délibérément prise en 1804 et qu’il n’a repoussée qu’à la chute de l’Empire.

Arrivant au rapprochement de Fouché et de Talleyrand, Villemain observe que les Mémoires inédits du prince, « qui seront un jour fort recherchés » et qu’il a lus, fournissent des détails à cet égard. Je les y ai vainement cherchés. Sauf quelques mots désagréables pour le duc d’Otrante, il n’y a rien. Ceci prouve – et il est important de le relever – qu’en 1851 on possédait un texte original différent de la copie authentique, puisque cette copie ne contient pas ce que Villemain y a lu… Quant à la scène violente des Tuileries, Villemain reconnaît bien la colère, les menaces et les gestes terribles de l’empereur. Il vante l’attitude impassible de Talleyrand, ce qui est vrai, et il rappelle le sarcasme lancé à la sortie comme sa seule vengeance. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est que Talleyrand revint, comme je l’ai rappelé plus haut, à la cour implorer humblement sa grâce. Et cependant voici un spécimen de ce que lui avait dit l’empereur : « Vous avez toute votre vie manqué à tous vos devoirs ; vous avez trompé, trahi tout le monde. Il n’y a pour vous rien de sacré ; vous vendriez votre père ! Je vous ai comblé de biens et il n’y a rien dont vous ne soyez coupable contre moi. Ainsi depuis six mois, vous avez l’impudeur, parce que vous supposez à tort et à travers que mes affaires en Espagne vont mal, de dire à qui veut l’entendre que vous avez toujours blâmé une entreprise sur ce royaume, tandis que c’est vous qui m’en avez donné la première idée, qui m’y avez persévéramment poussé… Et cet homme, ce malheureux (le duc d’Enghien), par qui ai-je été averti du lieu de sa résidence ? Qui m’a exciter à sévir contre lui ?… Quels sont donc vos projets ? Que voulez-vous ? Qu’espérez-vous ? Osez le dire !… Vous mériteriez que je vous brisasse comme le verre… J’en ai le pouvoir, mais je vous méprise trop pour en prendre la peine (11) ! » D’après le général de Montholon, qui déclare l’avoir entendu de l’empereur lui-même, Napoléon aurait dit encore : « Quand on se crée des intérêts contraires aux miens et qu’on agit contre moi, il faudrait avoir la pudeur de déposer une charge qui attache de si près à ma personne ! »L’empereur a toujours soutenu que M. de Talleyrand lui avait remis à la fin de l’année 1807 un mémoire qui commençait ainsi : « Il n’y a plus sur le trône qu’une seule branche de la maison des Bourbons, c’est l’Espagne, qui, placée sur nos derrières, quand il s’agit de faire face aux puissances d’Allemagne, est toujours menaçante… Le moment est venu de déclarer que la dernière branche de la maison de Bourbon a cessé de régner (12). » Talleyrand observait que si un prince de la maison impériale occupait le trône d’Espagne, « le système de l’Empire serait complet. L’Espagne, affirmait-il encore, n’y mettra aucun obstacle sérieux. Dégoûtée de son gouvernement, préparée à des innovations nécessaires, elle recevra en libérateurs les soldats de Votre Majesté. » Voilà pour l’Espagne.

Villemain nous assure que M. de Talleyrand avait tous les courages. Après la scène que j’ai racontée, il faut convenir qu’il avait au moins le courage de subir les outrages les plus formidables et n’en point paraître froissé. Villemain avoue qu’après avoir remis à M. de Montesquiou le signe de sa noble domesticité, le prince reparut à la Cour. C’était un autre courage, à ce qu’il paraît, car Talleyrand s’exposait « à la récidive d’une colère dont il avait gardé le souvenir » ! Mais sa soumission n’était qu’apparente, et les violences du 24 janvier avaient créé une rupture définitive entre lui et Napoléon. Cependant, trois mois après, au lendemain de la bataille de Ratisbonne, Talleyrand faisait passer à l’empereur une lettre où il laissait entrevoir son désir de revenir au pouvoir. En voici la fin. Il faut la méditer, car elle prouve que le prince n’aurait jamais osé dire à Napoléon, comme il s’en est vanté dans ses Mémoires, à propos des évènements de Bayonne, qu’il ressemblait à un homme qui triche au jeu et qu’on bannit de la bonne compagnie. « Votre gloire, sire, fait notre orgueil ; mais votre vie fait notre existence… Tout ce qui me rappelle le temps où j’étais assez heureux pour que mes moments fussent utiles à son service contribue à attrister mon séjour à Paris… Tout éloigné que je sois de la scène de ses glorieuses entreprises, je n’existe pas moins par tous mes sentiments, par toutes mes pensées dans le rang de ses serviteurs qui ont placé ce qu’ils ont personnellement de considération, de gloire et de bonheur dans l’accomplissement des grandes vues de Votre Majesté (13). »

Voilà une bien tendre déclaration ! Elle n’empêcha pas cependant le prince d’intriguer avec l’étranger contre l’Empire, de continuer les manœuvres dont il s’était vanté à Erfurt et qu’il avait commencées dès 1803 (14). Il se tenait au courant des affaires par ses relations nombreuses et par ses obligés, ou par ceux qui le redoutaient encore. Il donnait à sa manière de vivre « un air d’indifférence et d’inaction qui n’offrait pas la moindre prise aux soupçons de Napoléon ». Villemain ignorait tout cela. S’il eût été mieux renseigné, il n’eût point, par exemple, appelé M. de Talleyrand « l’approbateur du Concordat ». Comment le prince aurait-il pu mériter ce titre, lui qui, le 22 juillet 1801, écrivait, en qualité de ministre des relations extérieures, ces lignes violentes : « L’intention du premier consul n’est pas de rétablir un culte superstitieux, intolérant et subjugué par une influence étrangère (15). » Mais les Mémoires n’en contiennent pas moins cette déclaration stupéfiante : « C’est après cette grande réconciliation avec l’Eglise à laquelle j’avais puissamment contribué que Bonaparte obtint ce bref pour ma sécularisation… »

Villemain termine son apologie en affirmant que l’empereur avait besoin de recourir aux conseils de Talleyrand, malgré la disgrâce publique dont il l’avait frappé. M. Albert Vandal en donne ainsi l’explication : « Napoléon se défendait mal d’un certain faible pour les hommes de grand nom et de hautes manières, lorsque l’illustration de l’origine s’accompagnait en eux de l’intelligence et du talent, témoin Talleyrand, qu’il avait écrasé de reproches sans le disgracier complètement, qu’il consultait toujours et n’arrivait point à haïr. » Triste nécessité, dirai-je, car elle lui fut néfaste.

Le prince était resté à la Cour, malgré les avanies dont il avait été l’objet. Il avait conservé son rang dans la hiérarchie des grandes dignités impériales, grâce à l’indulgence extraordinaire de l’empereur. Celui-ci, confiant dans sa fortune et dans sa force, croyait toujours pouvoir à l’occasion employer ceux qui s’étaient faits ses instruments et ne soupçonnait pas qu’au profond de leur cœur brûlait une inextinguible flamme de vengeance. Il se disait qu’une fois l’orage passé et la leçon donnée, ils n’y penseraient probablement plus. Ce ne fut que plus tard, à Sainte-Hélène, qu’il avoua sa faute d’avoir poussé le prince au point de mécontentement où il était arrivé : « J’aurais dû, dit-il, ou l’enfermer ou le tenir toujours à mes côtés. » Mais, oubliant alors qu’il avait profondément blessé Talleyrand, il voulut plusieurs fois encore utiliser son adresse, et celui-ci parut faire preuve d’un empressement dévoué. Au fond, le prince négligeait ou contrariait les intérêts véritables de l’Empire. Par une vieille affection dont l’Autriche seule connaissait le prix, il se mit du côté des partisans de Marie-Louise, car son mariage avec l’empereur des Français allait sauver l’empire des Habsbourg d’une immense ruine. L’influence de Talleyrand, si considérable au point de vue diplomatique, fit rompre les pourparlers relatifs au mariage avec la grande-duchesse Anne. Cinq ans plus tard, lorsqu’il s’agit du mariage du duc de Berry avec la même princesse, il le fit échouer de nouveau, ce qui prouve que sa perspicacité politique n’était pas toujours aussi sûre que l’ont prétendu ses admirateurs. En 1810, il contribua à écarter définitivement de la France la Russie qu’il avait déjà mise en défiance contre elle en 1808. Au retour de Louis XVIII, il continua cette même politique. Il alla plus loin encore. Il prépara, comme on le sait, un traité secret avec l’Autriche et l’Angleterre dirigé contre la Russie et la Prusse, traité qui, révélé au Tsar par Napoléon au moment des Cent-Jours, exaspéra Alexandre et l’aurait disposé à soutenir les exigences incroyables des Prussiens, si Talleyrand n’eût été forcé de céder la place à Richelieu.

Mes critiques sur les affirmations de Villemain s’arrêtent là. Quant à la façon dont elles ont été présentées par l’illustre écrivain, il n’y a que des éloges à en faire. Les Observations sur quelques passages de l’histoire du Consulat et de l’Empire forment, sans contredit, un des meilleurs morceaux de Villemain. A ce titre encore, il eût été regrettable de les laisser reposer à la Bibliothèque nationale, dans la froide copie de M. de Bacourt.

Henri Welschinger.

Notes

(1) Voir le Monde du 5 décembre 1892.

(2) Voir, entre autres, le chapitre VIII du tome 1er des Souvenirs contemporains d’histoire et de littérature.

(3) Mémoires, t. Ier, p. 250. Voir également la scène avec le baron Louis, t. III.

(4) Manuscrits de la Bibl. nat. Fonds français. Nouv. acq. Cf. avec le tome III des Mémoires, p. 255.

(5) Ratisbonne, liv. 84.

(6) Voir le Consulat et l’Empire, t. X, les Souvenirs du duc de Gaëte, les Mémoires de Mollien, et ceux du chancelier Pasquier. – Voir également le chapitre II, t. II, de l’ouvrage de M. Albert Vandal, Napoléon et Alexandre, où l’auteur corrobore cette même scène, d’après les souvenirs du comte Rumiantsof et où il démontre que le prince était devenu un agent d’informations et d’observations pour le compte de l’étranger. – D’autres écrits attestent cette trahison.

(7) C’est à lui, et non à M. Thiers, que doit s’adresser l’observation de M. Emile Ollivier constatant, dans son dernier article sur Talleyrand, que les flatteries du prince, à l’égard des écrivains en train de devenir célèbres, lui assuraient des panégyriques.

(8) Tome 1er.

(9) Mémoires du chancelier Pasquier, t. 1er.

(10) Ibid

(11) Tel est l’abrégé des paroles de Napoléon à Talleyrand que nous donne le chancelier Pasquier et qu’il tenait directement de Mme de Rémusat et de M. Decrès, un des témoins de la scène. D’autres témoins les ont confirmées.

(12) A Sainte-Hélène, le docteur O’Meara demandait un jour à Napoléon s’il était vrai que Talleyrand lui eût conseillé de détrôner le roi d’Espagne. Napoléon lui répondit : « C’est vrai. Il m’a conseillé de faire tout ce qui pourrait nuire aux Bourbons. »

(13) Lettres de Talleyrand à Napoléon publiées par M. Pierre Bertrand, p. 481, 482.

(14) Voir le tome II des Mémoires, p. 424, 449. Voir aussi le Comte d’Antraigues, par M. Léonce Pingaud, et les articles décisifs de M. Albert Sorel dans le Temps des 4 et 13 mai 1893.

(15) Voir à cet égard la belle publication de M. Boulay de la Meurthe, Documents sur le Concordat, 3 vol. in-8°, chez Leroux.




FIN







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Membre fondateur
de l'Association " Les Amis de TALLEYRAND "




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