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TALLEYRAND D'APRES GERARD




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UNE LETTRE INEDITE

DE LA COMTESSE TYSKIEVITCH

ADRESSEE A

TALLEYRAND

VARSOVIE

20 DECEMBRE 1812




A la fin du mois de décembre 1806, Talleyrand, sur l’ordre de l’Empereur, se rendit de Berlin à Varsovie. Napoléon s’y établit le 1er janvier 1807 pour quelques semaines et voulut se montrer à la noblesse polonaise. Français et Polonais rivalisèrent de luxe et de fêtes. Il fut décidé que le premier bal aurait lieu chez le prince de Bénévent. C’est à ce bal, où se pressait toute la haute société de Varsovie mêlée aux officiers français que la comtesse Waleska fut présentée à l’Empereur qui dansa avec elle. Le prince de Bénévent avait ménagé cette rencontre. « Que de jolies femmes ! » lui dit l’Empereur en se retirant. C’est aussi à ce bal que Talleyrand retrouva la comtesse Tyskiévitch, qu’il avait connue à Paris, mais à laquelle il devait s’unir à Varsovie de l’amitié la plus intime.

La comtesse Tyskiévitch avait alors quarante-six ans. Elle était veuve du grand référendaire du grand duché de Lituanie et sœur du prince Joseph Poniatowski, le futur maréchal de l’Empire français. Stanislas Auguste, le dernier roi de Pologne, était son oncle. Elle était la tante de la comtesse Anna Potocka, née Tyskiévitch, auteur des Mémoires si vivants publiés en 1897 par Casimir Stryenski.

Le salon de la comtesse Tyskiévitch devint bientôt pour Talleyrand une sorte de quartier général. Ministre des relations extérieures de l’Empire, une partie du corps diplomatique de Paris l’avait suivi à Varsovie. Il remplissait encore les fonctions de Gouverneur de Pologne et de pourvoyeur de la Grande Armée. Napoléon comptait sur lui pour maintenir l’enthousiasme de la noblesse polonaise, tout en se montrant réservé pour l’avenir. Talleyrand, fidèle à son système autrichien, était, d’ailleurs, secrètement opposé à la reconstitution du royaume de Pologne. Poniatowski devint ministre de la guerre du nouveau gouvernement et rassembla l’armée polonaise. On se demandait si du salon de la comtesse Tyskiévitch ne sortirait pas un nouveau roi de Pologne.

Après Tilsitt, la comtesse Tyskiévitch suivit Talleyrand à Paris. Elle fit partie de ce cercle intime, qu’on appelait plaisamment « le sérail », et dont le prince de Bénévent, devenu Vice-Grand Electeur, était le dieu. C’était la duchesse de Courlande, qui prenait dans le magnifique hôtel de Talleyrand, rue de Varenne, des airs de souveraine, la vicomtesse de Laval, chez qui l’on se réunissait souvent, ainsi que chez la princesse de Vaudémont et chez la duchesse de Luynes, mesdames de Jaucourt, de la Tour-du-Pin, de Canisy, de Beaufremont, Aimée de Coigny, de Balbi, de Souza, la duchesse de Fitz-James, les deux sœurs de Bellegarde, Mme de Rémusat. La comtesse Potocka, nièce de la comtesse Tyskiévitch, et une Allemande, la comtesse de Kielmansegge, nous ont laissé des détails sur ces réunions, dont l’histoire ne peut se désintéresser, car la chute de Napoléon y fut savamment préparée.

Talleyrand disait plus tard au jeune Thiers qu’il protégeait : « La politique, ce sont les femmes. » Ses belles amies, dont certaines, nous dit un témoin, étaient « de véritables antiquités », n’étaient pas toutes ses complices dans la lutte qu’il avait engagée en secret contre Napoléon ; mais presque toutes devenaient, parfois sans s’en douter, ses informatrices politiques. C’était le cas de la comtesse Tyskiévitch. Elle se faisait remarquer par son admiration passionnée, par son dévouement sans bornes au prince de Bénévent. C’était « son esclave », dit la comtesse Potocka. Pendant la campagne de 1812, la comtesse attendit à Varsovie les événements. Après la chute de l’Empire, elle vécut à Paris, compagne inséparable de Talleyrand et de sa nièce, la duchesse de Dino. Elle mourut près d’eux, à Tours, en 1834, âgée de 74 ans et fut enterrée dans la chapelle du château de Valençay.

Lors de la retraite de Russie, la comtesse Tyskiévitch se trouvait donc à Varsovie, capitale du grand duché réuni à la Saxe par le traité de Tilsitt. L’ambassadeur de France était M. de Pradt, archevêque de Malines ; il était de sentiments tout royalistes, bien qu’il affectât un grand dévouement pour l’Empereur, qui en était fort mécontent. Le frère de la comtesse, le prince Poniatowski, s’était couvert de gloire pendant la campagne à la tête du corps polonais.

Le 10 décembre 1812, à onze heures, Napoléon, qui avait quitté l’armée cinq jours avant à Smorgoni, arriva à Varsovie par un froid très vif, accompagné de son grand écuyer Caulaincourt, duc de Vicente. L’Empereur se dissimulait sous le nom de M. de Rayneval derrière Caulaincourt, qu’il semblait escorter. Il descendit à l’Hôtel d’Angleterre et en repartit le soir même pour Kutno.

La lettre de la comtesse Tyskiévitch à Talleyrand, que nous publions, porte la date du 20 décembre. Elle raconte avec soin les circonstances du court passage de l’Empereur à Varsovie. « J’ai cru, dit-elle, que vous seriez peut-être bien aise de savoir tout cela et l’ai bien appris par cœur afin de vous le répéter littéralement. » Son récit est à rapprocher de celui de sa nièce, la comtesse Potocka (Mémoires, pp. 334 et suiv.), de M. de Pradt (Histoire de l’Ambassade dans le Grand Duché de Varsovie en 1812) et du général Caulaincourt (Mémoires, pp. 262 et suiv.)

C’est aux archives de Vienne que se trouve en copie la lettre de la comtesse Tyskiévitch (Vortrage, 1813). Elle fait partie d’une correspondance suivie qui n’est pas connue. Cette lettre fut interceptée par le gouvernement autrichien et d’autant plus facilement que son auteur la confia au chevalier de Floret, représentant de l’Autriche à Wilna, qui rentrait à Paris. « Je crois cette occasion tellement sûre, écrivait la comtesse à Talleyrand, que je veux enfin vous parler à cœur ouvert de tout. »

Dans la seconde partie de la lettre, qui n’est pas moins intéressante, la comtesse Tyskiévitch entretient Talleyrand des intérêts de carrière et d’argent de son frère le prince Poniatowski.

En 1813, Poniatowski fut nommé maréchal de France sur le champ de bataille de Leipzig. Chargé de protéger la retraite de l’armée française, il périt, comme on sait, en s’élançant à cheval dans l’Elster pour ne pas se rendre. On l’avait surnommé « le Bayard polonais ».

Emile DARD.



LETTRE DE LA COMTESSE TYSKIEVITCH



Varsovie, le 20 décembre 1812.

C’est M. de Floret qui vous porte cette lettre, et je crois cette occasion tellement sûre, que je veux enfin vous parler à cœur ouvert de tout et sur tout ce qui nous regarde. Quant à la position générale, vous la savez, ainsi je n’ai rien à vous apprendre. L’Ambassadeur (1) nous quitte sous le prétexte que son personnel ne convenait point à la place, mais foncièrement, je crois, parce que plus tard l’on serait embarrassé de le rappeler. L’on croit, ou plutôt l’on espère, que les Russes, lorsqu’ils auront repris toute la Lituanie, s’arrêteront au Niémen. L’Empereur a promis de revenir avec 300.000 hommes au printemps ; s’il revient, deux batailles gagnées peuvent renverser les choses ; mais comment ferons-nous d’ici-là ? C’est ce que personne ne devine ; aussi l’abattement général est-il au plus haut point. Personne n’a le sol et tout le monde, à commencer par les plus riches, est ruiné pour dix ans. Malgré cela, si l’on avait 3 mois de relâche et que l’Empereur donnât, outre les deux millions qu’il a assignés à son passage et que le Trésor vient de toucher en monnaie de Piémont qui perd 19 p. 100, de l’argent, dans ce court espace nous aurions 30.000 hommes sous les armes, sans nul doute, et de plus une espèce de troupes équivalent aux Cosaques que mon frère a proposé de lever, en donnant à la pauvre noblesse, qui la compose et s’équipe à la fin de la guerre, quelques terres nationales. Mais pour arriver là, il faut que les Russes n’envahissent pas le Duché dans l’intervalle : le feront-ils, oui ou non, voilà où est la question.

Tout le monde, dans ce moment, est si découragé, si fatigué, que l’idée de la paix, en restant simplement duché, quelque pénible qu’il soit d’avoir perdu inutilement tant de braves gens et fait de si grands sacrifices, n’effraye pas trop : il n’en sera pas de même, si l’on reprend haleine ; car il est dans le caractère national de se laisser aller avec une égale promptitude au découragement et à l’espérance. Au reste, maintenant que je vous ai dit l’état des choses relativement à notre Duché, car celle de l’armée, vous la connaissez autant et mieux que moi, je vais vous rapporter littéralement tout ce qui s’est dit et passé ici, lorsque l’Empereur a traversé Varsovie.

Arrivé le 10 à 3 h. (2) bien emmitouflé et son bonnet enfoncé sur les yeux de manière à ce que personne ne vît, ne reconnût, ni ne devinât, il a traversé le pont et la ville à pied jusqu’à l’hôtel d’Angleterre (3), hôtel garni situé presque en face de celui de l’Ambassadeur. Il avait été précédé immédiatement par un officier de ses gardes nommé Woukowitz, qui avait commandé à dîner pour le général Caulaincourt. Arrivé là, il fit dire au Gouverneur général Dubailly, que ce général le demandait, et le duc de Vicence fut lui-même chercher l’Ambassadeur. Après qu’il eût dîné et causé avec ces deux messieurs, fort surpris de son arrivée, il fit chercher M. Stanislas (4), Président du Conseil et M. Matussewitz, ministre des Finances, qu’il a vu à Vienne, où il fut envoyé en députation, et depuis à Posen, à son passage ; dans les deux occasions il l’avait assez goûté. « Eh bien ! Messieurs, leur a-t-il dit, vous me laissez ici six jours sans me venir voir. » Un peu interdits de le trouver là au lieu du duc de Vicence, et de la plaisanterie, ces messieurs laissèrent cette apostrophe sans réponse ; alors, entrant en matière, il leur dit : « Je viens de faire une campagne malheureuse, je ne puis le nier ; j’ai perdu ma cavalerie, la moitié de mon artillerie, et les deux tiers de mes équipages, cela est vrai ; mais rien pour cela n’est désespéré. Peut-être ai-je fait une faute en allant à Moscou, et une autre en y prolongeant mon séjour ; la postérité en décidera ; le ridicule est à côté du sublime ; rien donc dans tout cela n’est surprenant ; je commande à 40 millions d’hommes et je me dois à eux, il a donc fallu momentanément quitter mon armée ; je vais à Paris ; j’en ramènerai dans deux mois 300.000 hommes et les choses changeront de face. Si j’avais voulu abandonner la Pologne, on aurait pu s’entendre ; c’est une question à revoir. Je ne laisserai jamais touché au Duché, c’est à quoi je m’engage ; n’en concluez pas que j’abandonne votre cause ; elle est noble, elle est grande, et vous devez compter sur ma protection entière. Je me suis quelquefois trouvé dans des positions difficiles ; celle-ci est du nombre ; je m’en tirerai encore. Faites des efforts, secondez-moi et je rétablirai l’équilibre. Les bulletins de ces derniers temps ont été mal faits ; l’on a voulu cacher mes pertes ; elles tenaient à la saison, au climat ; moi je veux tout dire dès que je serai à Paris. Ce n’est pas que vous n’ayez lu dans les journaux une ridicule conspiration produite par trois têtes extravagantes (5). Vous avez l’esprit trop juste pour ne pas l’avoir apprécié à sa juste valeur. Ce n’est pas une dynastie comme la mienne que l’on renverse par des moyens aussi absurdes. Dès que je serai arrivé, je ferai imprimer tout ce qui y est relatif. Quand on est fort, on ne cache rien. J’ai ordonné au prince Poniatowski de se rendre ici ; il faut refaire votre armée ; il s’est conduit en brave ; il a ménagé, tant qu’il a pu, mes braves Polonais et les a bien conduits ; la force des circonstances les a usés, mais ils sont morts en braves. J’ai donné 6 OOO francs à Zayonsczki qui n’avait rien au moment où on lui a coupé la jambe. Des vivres pour mon armée, des hommes et des chevaux pour la vôtre et l’équilibre se rétablira. J’ai de l’argent ; je ne l’épargnerai pas. Je vous donne 2 millions à présent ; on vous les comptera. »

Je vous fais grâce des réponses de MM. Stanislas et Matussewitz ; seulement je vous dirai que, sur la représentation qu’ils ont faite à l’Empereur, en lui démontrant que le Duché était entièrement à découvert et les Russes pouvant par conséquent venir à Varsovie comme et quand bon leur semblerait, ce qui rendrait impossible les levées et l’organisation de l’armée, il a répondu qu’il ignorait que nous fussions dans cet état de dépouillement, que d’ici il donnerait des ordres pour que l’on couvrît Varsovie ; en effet Schwartzemberg, Reynier et même le Roi de Naples en ont reçu à cet effet. Quel en sera le résultat ? C’est ce que l’avenir nous apprendra. Après cette conversation, dans laquelle il a discuté le mérite et les fautes des Russes, il a dit adieu à ces Messieurs, en répétant qu’il serait ici dans deux mois. J’ai cru que vous seriez bien aise de savoir tout cela, et l’ai bien appris par cœur afin de vous le répéter littéralement. Il a dit qu’il passerait à Dresde, verrait le roi, descendrait chez Monsieur Serra (6) et s’y arrêterait deux heures.

A présent, laissez-moi vous parler de notre situation particulière. Mon frère, comme tout le reste de l’armée, a tout perdu, cependant à ses aigles et canons près ; mais tout ce qui lui appartenait à lui. Il faut refaire son équipage, s’acheter des chevaux, etc…, enfin tout, et il n’en sera pas quitte à moins de 100.000 francs. Il est inquiet des 300.000 qu’il doit à l’Empereur ; dans le temps où ils furent prêtés, l’on fit entendre que le dit prêt n’était qu’une manière de les lui offrir ; mais le premier terme échoit dans 6 mois, et certainement si l’on fait encore une campagne, ou la paix dans des circonstances aussi désastreuses, il se trouvera dans le plus grand embarras, ayant fait toute cette campagne à ses frais, sans toucher un sol du trésor public. Comme cette dette, qui l’inquiète, a été contractée envers l’Empereur à mon occasion, vous sentez le tourment que me causent ses inquiétudes à ce sujet. J’avais besoin de vous en parler, de vous consulter et de vous demander, si vous y pouvez quelque chose, de m’ôter le poids.

Il est un autre objet sur lequel votre bonté pour mon frère m’étant connue, il est indispensable que je vous parle avec confiance et abandon. Si la campagne prochaine a lieu, nul doute que mon frère ne la fasse ; il y est résigné ; son dévouement, son zèle et son devoir, tout l’y détermine. Mais si avant ou après cette nouvelle campagne nous restons (comme il est permis de le croire) purement Duché appartenant au roi de Saxe, il désire et veut du repos. L’Empereur a paru content de ses services ; l’armée française même lui accorde talent et valeur ; se sera-t-il ruiné comme fortune, vieilli de dix ans comme fatigue, exposé à des milliers de dangers, auxquels il n’a échappé que par une série de miracles incalculables, pour retourner à Jablouna (7) planter ses choux ? Quand la paix sera faite, l’on ne pourra ou voudra rien faire pour un Polonais comme lui, pour éviter de faire ombrage aux Russes ; c’est donc avant et dans ce moment présent que l’Empereur pourrait lui témoigner sa bienveillance, par quelque grâce éclatante, qui plairait à la nation, à l’armée et à tous ceux que l’on veut électriser. Il me semble qu’une dotation et le titre de Maréchal seraient des récompenses dignes de l’Empereur ; mais il ne faut pas perdre de vue que les terres ne rapportant rien en intérêt dans ce moment, ce don ne parerait pas aux embarras du remboursement des 100.000 écus s’il y a lieu. Mon frère est du nombre de ceux qui croient que les Russes s’arrêteront au Niémen ; s’il en était autrement c’est à Posen que Madame de Vauban et moi nous nous réfugierions.

Batowski, dont le brûlant patriotisme est plus que calme, part à la fin du mois, ainsi que Madame Waleska. Le dernier ordre du général Koutousoff porte, que les prisonniers espagnols et portugais seront transportés chez eux aux frais du gouvernement russe, les Allemands relâchés avec permission de retourner dans leur patrie, mais les Français, Varsoviens et Saxons transportés à Kiev, Chersow et Odessa. Quant aux Lituaniens, les simples soldats incorporés dans la ligne et les personnes d’une caste plus relevée, transportées en Sibérie pour la vie. La crainte de voir envahir le Duché fait partir beaucoup de nos Dames. L’on ne sait pas encore si l’ambassadeur s’en va ; la terreur augmentera encore, quel que soit le prétexte dont on colore son départ. L’épouvante qu’il causera sera terrible. Je voudrais qu’à tout événement, mon frère envoyât sa vaisselle et quelques objets précieux à Posen ; car certainement, si les Russes venaient à Varsovie, sa maison serait la première pillée ; mais il s’y refuse, parce que cette mesure de précaution alarmerait, dit-il, et serait de mauvais exemple. D’ici à 15 jours cette grande question sera décidée ; non qu’on soit à cette époque déjà à Varsovie, mais on saura les intentions des Russes et les dispositions du Roi de Naples, que l’on croit avoir quitté Wilna le 12. Les Gardes marchaient sur Gumbinnen ; mais est-ce pour se porter ensuite d’un côté ou de l’autre, c’est ce que l’on ignore. Le Maréchal Davoust a dit que lui venait ici ; les débris du 5ème corps et tout ce qui reste de Polonais de l’armée a reçu l’ordre de s’y rendre.

Je vous avoue, pour revenir encore à mon frère, que je préférerais, s’il était question d’une dotation, qu’on la lui donne aux bords du Rhin pour avoir déjà un pied hors d’ici. Quant au titre de Maréchal, si c’est ici que le Roi (8) soit invité de créer la place pour lui, c’est bien ; mais si c’était en France, peut-être l’Empereur pourrait-il pour simplifier la chose, le faire Colonel général de tous les Polonais à son service, ce qui, tant que la guerre durera, ne l’empêcherait pas de commander ici.

Le général Lauriston serait ici avec le duc de Bassano (9) avec qui il est arrivé ; nous ne savons pas encore, si c’est seulement pour quelque temps, ou pour y rester. Le duc de Bassano a donné à Mme Waleska de l’argent pour partir.

Je rouvre ma lettre pour y ajouter que les Russes sont à Wilna, et que l’armée partante a, dit-on, pillé la ville avant de la quitter. Le prince Schwartzemberg est en pleine marche vers nous, et comme les Russes ont une nuée de Cosaques, mais presque pas d’infanterie, qu’ils ont envoyé une partie de leurs troupes du côté de Kowno, moins que jamais aujourd’hui on leur suppose le projet de forcer ici. L’on dit que pour ménager l’amour propre de l’archevêque, Monsieur Lajard sera censé rester chargé d’affaires, mais que lui parti, ce qui doit avoir lieu dans 2 jours, Monsieur Lauriston déploiera son caractère (10). L’on a refusé des congés aux auditeurs attachés à l’Ambassade, ce qui est fort à l’appui de cette opinion.

Notes

(1) L’Ambassadeur de France, M. de Pradt, archevêque de Malines, avait été rappelé sur l’ordre de Napoléon.

(2) En réalité Napoléon arriva à 11 heures du matin.

(3) Et non à l’hôtel de Saxe, comme le dit Caulaincourt.

(4) Stanislas Potocki, beau-père de la comtesse Potocka, auteur des Mémoires.

(5) C’est la conspiration Malet.

(6) Le baron de Serra, ministre de France à Dresde.

(7) Château de la famille Poniatowski.

(8) Le roi de Saxe dont dépendait le grand duché de Varsovie.

(9) Maret arriva le 16 décembre à Varsovie et partit peu après pour Paris

(10) Varsovie fut évacuée au commencement de 1813 et occupée par l’armée russe sans qu’aucun successeur ait été donné à M. de Pradt.



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Revue d’Histoire diplomatique – 1934 – pp. 321 à 329.







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Pierre COMBALUZIER - 64000 PAU - FRANCE - 1997
Membre fondateur
de l'Association " Les Amis de TALLEYRAND "




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