NOTE
DU MINISTRE FRANCAIS
DES AFFAIRES ETRANGERES,
AU CITOYEN SALICETI
MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA RÉPUBLIQUE A GÊNES
EN DATE DU
14 PLUVIOSE AN XII
[4 FEVRIER 1804]
Les circonstances où la guerre actuelle place la Ligurie lui font un besoin de à s'unir plus étroitement à la cause de la France.
L'intention du Premier Consul est que vous négociiez sans délai avec le Gouvernement ligurien une convention formelle par laquelle ce Gouvernement s'engage à fournir 4 000 matelots propres au service, âgés de vingt ans au moins, et ayant cinq années de navigation. Il est nécessaire que cette mesure soit prise par une détermination du Sénat, et qu'on la mette promptement à exécution par tous les moyens qui pourront se concilier avec un bon choix de matelots, de manière que les 4 000 matelots puissent être prêts à partir dans un mois.
Lorsque cette levée sera le résultat des engagements pris avec 1a France par la Ligurie, elle éprouvera sans doute moins d'obstacles.
Achevez de fixer les indécisions de ce Gouvernement ; rappelez-lui que la République batave fournit dans la guerre actuelle des matelot et des vaisseaux ; que la République italienne joint ses troupes à celle de la France ; que la Ligurie ne peut pas espérer de se tenir à l'écart dans une cause qui l'intéresse elle-même directement.
L'Angleterre n'a pas reconnu la République ligurienne ; elle a mis le blocus devant Gênes ; elle exerce d'autres actes d'hostilité, qui font à la Ligurie un devoir de s'unir à son premier allié, et qui rendraient dangereuse pour elle toute autre mesure.
La France, qui a constamment défendu le territoire et l'indépendance de cette république, ne pourrait se croire obligée à continuer de diriger ses efforts vers ce but qu'autant que la Ligurie consentira et s'engagerait, par un traité, à concourir à sa propre défense et au succès de la cause commune.
Vous voudrez bien insérer dans la convention que vous êtes chargé de conclure, qu'en compensation des engagements pris par la Ligurie la France prend aussi celui de ne pas faire la paix avec l'Angleterre sans obtenir que la République ligurienne soit reconnue.
Ainsi le résultat des efforts de ce Gouvernement sera d'assurer complètement son existence politique, soit par les forces de la France pendant la guerre, soit par une stipulation formelle au moment de la paix.
Dans toutes les circonstances, le Premier Consul s'est attaché à établir l'indépendance de la Ligurie. Il n'a jamais regretté d'avoir suivi ce système, parce qu'il a pensé que la Ligurie, par intérêt et par inclination, remplirait toujours les obligations d'alliée de la France. La circonstance présente est décisive, et l'attente du Premier Consul ne peut pas être trompée.
J'insiste de nouveau sur la nécessité de faire un choix de matelots qui soient tous en état de servir, et sur le zèle et la fidélité desquels on puisse entièrement compter.
Veuillez m'informer du succès des nouvelles démarches que le Premier Consul vous charge expressément de faire pour obtenir cette levée.
J'ai fait connaître au citoyen Ferrari les intentions du Premier Consul, et j'ai prié ce ministre plénipotentiaire de concourir par ses propres démarches, à l'adoption d'une mesure dont les circonstances actuelles doivent montrer à son Gouvernement la nécessité.
Ch.-Mau. De TALLEYRAND-PERIGORD.