DISCOURS DE RECEPTION
DU CHEVALIER D'AZZARA,
AMBASSADEUR D'ESPAGNE EN FRANCE
LU PAR TALLEYRAND
LE 10 PRAIRIAL AN VI
[29 MAI 1798]
DU DIRECTOIRE
Citoyen Président,
J’ai l’honneur de présenter au Directoire exécutif Monsieur le chevalier d’Azzara, ambassadeur de S. M. C. le Roy d’Espagne près la République française.
L’Espagne, longtemps alliée de la France, était destinée à la redevenir dans les jours de la République, et à ne pas séparer sa cause de la nôtre.
De perfides suggestions avaient pu tromper sa bonne foi. Notre gloire l’avertit de son erreur ; et son retour fit la joie des Français et le désespoir de leurs ennemis.
Un tel pacte ne subira pas sans doute la forme des alliances anciennes.
Il a pour garantie, non plus certaines fragiles combinaisons de l’intrigue, mais l’intérêt bien senti des deux gouvernements, et la loyauté si justement célèbre des deux nations.
Il doit s’affermir encore par la haine même de cet implacable ennemi du repos du monde, qui, dans ses projets insensés, a osé méditer la ruine de l’une et de l’autre.
La République française n’a cessé de montrer combien elle était jalouse de maintenir les liens qui l’attachent à l’Espagne. Les intérêts d’un tel allié ont été constamment sacrés comme les siens. Elle se plait à voir aujourd’hui, dans le choix qu’il vient de faire de M. le chevalier d’Azzara, un gage nouveau des sentiments qui l’animent pour elle.
Cet ami éclairé des arts et de la Philosophie était sûr d’être accueilli avec empressement par un peuple qui les cultive avec tant de gloire.
Mais le courageux et loyal défenseur des français assassinés par un gouvernement perfide est sûr d’y recevoir encore, et à tous les instants, les témoignages affectueux de la reconnaissance nationale.
Ch. Mau. Talleyrand.