LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
A
LA PRINCESSE DE VAUDEMONT
EN DATE DU
3 OCTOBRE 1831
Londres, le 3 octobre 1831.
Je trouve qu’à Paris on prend très mal les affaires de la Belgique dans le moment actuel. On veut faire une Belgique en prenant dans un endroit ou dans un autre ; c’est bien aisé : tout le monde sait faire cela ; mais, ce n’est pas la question. Il s’agit de remettre la Hollande et la Belgique dans la situation respective où elles étaient l’une vis-à-vis de l’autre en 1790. Avant cette époque, la Hollande n’inondait pas la Belgique ; il y avait un traité de 1785 qui empêchait ce genre de désordre. On peut le renouveler et la proximité de la France aura bien plus d’influence sur la Hollande que n’en avait l’Autriche qui était si éloignée. En vérité, toutes les difficultés que l’on fait à Paris et qui sortent du cerveau et des machinations de M. de Celles sont bien faibles ; elles peuvent toutes être résolues par un enfant. Il est cependant singulier que l’on soit la dupe d’un mauvais sujet comme M. de Celles, qui ne peut pas retourner en Belgique, et qui craint que les affaires ne s’arrangent. C’est une affaire de laquelle dépend la paix ou la guerre, cette affaire belge ; elle pourrait se finir bien ; et je l’appelle bien, à l’avantage des Belges, sans mettre le roi de Hollande dans la position de refuser son adhésion. Pourquoi prendre à quelqu’un ? Est-ce là un traité juste ? Ici on ne consentira pas à ce que l’on veut en France. C’est vraiment chercher des embarras. Ma raison ne me laisse voir que des malheurs si on reste dans les idées folles dans lesquelles les faiseurs nous jettent.
Adieu, je voudrais bien n’avoir que de l’humeur ; mais j’ai plus que cela, j’ai du chagrin….
Ch. Mau. TALLEYRAND.
in MEMOIRES DE TALLEYRAND