LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
A
MADAME ADELAÏDE D'ORLEANS
EN DATE DU
19 AOUT 1831
Londres, le 19 août 1831.
J’avais, à la fin de ma dernière lettre, parlé à Mademoiselle de l’idée que l’on pouvait avoir de traiter avec le prince Léopold, mais ce que je proposais devait être parfaitement secret. Du moment que l’on veut faire quelque chose de patent, on échouera et l’on déplaira à toutes les puissances. Au point où en sont les choses, on ne peut plus, sans danger, s’occuper de rendre officielle la lettre qui m’a été écrite par le prince Léopold au moment de son départ ; la copie en est à Paris ; soyez sûre que les places seront abattues : lord Grenville en répétera l’assurance au roi ; moi, personnellement je n’en doute pas. Je crois, en vérité, qu’il n’y aurait qu’un moyen de l’empêcher, ce serait de vouloir le faire soi-même. Cela deviendrait une question d’amour-propre et, entre grandes nations, on ne peut calculer ce que ce genre de blessure peut amener.
Le roi aura une bonne nouvelle à apprendre à dom Pedro : le comte de Villaflor est débarqué à Saint-Michel avec quinze cents hommes et il est le maître de l’île, dans laquelle il y avait beaucoup d’artillerie et deux mille hommes de troupes réglées. Ainsi, voilà cinq mille hommes, y compris ce qui était à Terceira, qui sont à la disposition de la jeune reine dont la vie aventureuse exigeait qu’elle fût plus jolie.
Le ministère anglais vient d’avoir un échec parlementaire ; il faut espérer qu’il s’en relèvera, nous en avons besoin….
Recevez…
Ch. Mau. TALLEYRAND.
in MEMOIRES DE TALLEYRAND