CONVENTION
SIGNEE A PARIS
LE 23 AVRIL 1814
ENTRE MONSIEUR,
FILS DE FRANCE, FRERE DU ROI,
ET L'AUTRICHE, LA GRANDE-BRETAGNE,
LA RUSSIE ET LA PRUSSE
Les Puissances Alliées, réunis dans l’intention de mettre un terme aux malheurs de l’Europe, et de fonder son repos sur une juste répartition de forces entre les Etats qui la composent ; voulant donner à la France, revenus à un gouvernement dont les principes offrent les garanties nécessaires pour le maintien de la paix, des preuves de leur désir de se placer avec elle dans des relations d’amitié ; voulant aussi faire jouir la France, autant que possible, d’avance, des bienfaits de la paix, même avant que toutes les dispositions aient été arrêtées, ont résolu de procéder, conjointement avec S. A. R. Monsieur, Fils de France, Frère du Roi, Lieutenant-Général du Royaume de France, à une suspension d’hostilités entre les forces respectives et au rétablissement des rapports anciens d’amitié entre elles ;
S. A. R. Monsieur, Fils de France, Frère du Roi, Lieutenant-Général du Royaume de France, d’une part et S. M. l’Empereur d’Autriche, Roi de Hongrie et de Bohême, pour lui et ses Alliés d’autre part, ont nommé en conséquence des plénipotentiaires pour convenir d’un acte, lequel, sans préjuger les dispositions de la paix, renferme les stipulations d’une suspension d’hostilités, et qui sera suivi, le plus tôt que faire se pourra, d’un Traité de paix, savoir :
S. A. R. Monsieur, Fils de France, Frère du Roi, Lieutenant-Général du Royaume de France, M. Charles Maurice de Talleyrand, Prince de Bénévent, etc.
Et S. M. l’Empereur d’Autriche, Roi de Hongrie et de Bohême, M. Clément-Wenceslas-Lothaire, Prince de Metternich-Winnenbourg-Ochsenhausen, etc.
Lesquels, après l’échange de leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :
Art. 1er Toutes les hostilités sur terre et sur mer sont et demeurent suspendues entre les Puissances Alliées et la France, savoir : pour les armées de terre, aussitôt que les généraux commandant les armées françaises et places fortes auront fait connaître aux généraux commandant les troupes alliées qui leur sont opposées, qu’ils ont reconnu l’autorité du Lieutenant-Général du Royaume de France ; et tant sur mer qu’à l’égard des places et stations maritimes, aussitôt que les flottes et ports du Royaume de France, ou occupés par les troupes françaises, auront fait la même soumission.
Art. 2. Pour constater le rétablissement des rapports d’amitié entre les Puissances Alliées et la France, et pour la faire jouir, autant que possible, d’avance, des avantages de la paix, les Puissances Alliées feront évacuer par leurs armées le territoire français, tel qu’il se trouvait le 1er janvier 1792, à mesure que les places occupées encore hors de ces limites par les armées françaises, seront évacuées et remises aux Alliés.
Art. 3. Le Lieutenant-Général du Royaume de France donnera en conséquence aux commandants de ces places l’ordre de les remettre dans les termes suivants, savoir : les places situées sur le Rhin, non comprises dans les limites de la France du 1er janvier 1792, et celles entre le Rhin et ces mêmes limites, dans l’espace de dix jours à dater de la signature du présent acte. Les places du Piémont et dans les autres parties de l’Italie qui appartenaient à la France, dans celui de quinze jours ; et toutes les autres places sans exception, qui se trouvent occupées par les armées françaises, de manière à ce que la remise totale puisse être effectuée jusqu’au 1er juin prochain. Les garnisons de ces places sortiront avec armes et bagages, et les propriétés particulières des militaires et employés de tout grade. Elles pourront emmener l’artillerie de campagne, dans la proportion de trois pièces par chaque millier d’hommes, les malades et blessés y compris. La dotation des forteresses et tout ce qui n’est pas propriété particulière, demeurera et sera remis en entier aux Alliés, sans qu’il puisse en être distrait aucun objet. Dans la dotation sont compris, non seulement les dépôts d’artillerie et de munitions, mais encore toutes autres provisions de tout genre, ainsi que les archives, inventaires, plans, cartes, modèles, etc, etc, etc. D’abord, après la signature de la présente Convention, des commissaires des Puissances Alliées et Français seront nommés et envoyés dans les forteresses pour constater l’état où elles se trouvent, et pour régler en commun l’exécution de cet article. Les garnisons seront dirigées par étape sur les différentes lignes dont on conviendra pour leur rentrée en France. Le blocus des places fortes en France sera levé sur-le-champ par les armées alliées. Les troupes françaises faisant partie de l’armée d’Italie ou occupant les places fortes dans ce pays ou dans la Méditerranée, seront rappelées sur-le-champ par S. A. R. le Lieutenant-Général du Royaume.
Art. 4. Les stipulations de l’article précédent seront appliquées également aux places maritimes, les Puissances Contractantes se réservant toutefois de régler le Traité de paix définitif, le sort des arsenaux, vaisseaux de guerre armée et non armée qui se trouvent dans ces places.
Art. 5. Les flottes et les bâtiments de la France demeureront dans leur situation respective, sauf la sortie des bâtiments chargés de missions ; mais l’effet immédiat du présent acte à l’égard des ports français sera la levée de tout blocus par terre ou par mer, la liberté de la pêche, celle du cabotage, particulièrement de celui qui est nécessaire pour l’approvisionnement de Paris et le rétablissement des relations de commerce, conformément aux règlements intérieurs de chaque pays ; et cet effet immédiat, à l’égard de l’intérieur, sera le libre approvisionnement des villes et le libre transit des transports militaires ou commerciaux.
Art. 6. Pour prévenir tous les sujets de plaintes et de contestations qui pourraient naître à l’occasion des prises qui seraient faites en mer après signature de la présente Convention, il est réciproquement convenu que les vaisseaux et effets qui pourraient être pris dans la Manche et dans les mers du Nord après l’espace de douze jours, à compter de l’échange des ratifications du présent acte, seront de part et d’autre, restitués ; que le terme sera d’un mois, depuis la Manche et les mers du Nord jusqu’aux îles Canaries, de deux mois jusqu’à l’équateur, et enfin de cinq mois dans toutes les autres parties du monde, sans aucune exception, ni autre distinction particulière de temps et de lieu.
Art. 7. De part et d’autre, les prisonniers, officiers et soldats de terre et de mer, ou de quelque nature que ce soit, et particulièrement les otages, seront immédiatement renvoyés dans leurs pays respectifs, sans rançon et sans échange. Des commissaires seront nommés réciproquement pour procéder à cette libération générale.
Art. 8. Il sera fait remise par les co-belligérants, immédiatement après la signature du présent acte, de l’administration des départements ou villes actuellement occupés par leurs forces, aux magistrats nommés par S. A. R. le Lieutenant-Général du Royaume de France. Les autorités royales pourvoiront aux subsistances et besoins des troupes jusqu’au moment où elles auront évacué le territoire français ; les Puissances Alliées voulant, par un effet de leur amitié pour la France, faire cesser les réquisitions militaires, aussitôt que la remise au pouvoir légitime aura été effectuée. Tout ce qui tient à l’exécution de cet article sera réglé par une Convention particulière.
Art. 9. On s’entendra respectivement aux termes de l’article deux, sur les routes que les troupes des Puissances Alliées suivront dans leur marche, pour y préparer les moyens de subsistance ; et des commissaires seront nommés pour régler toutes les dispositions de détail et accompagner les troupes jusqu’au moment où elles quitteront le territoire français.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé la présente Convention, et y ont fait apposer le cachet de leurs armes.
Fait à Paris le 23 avril de l’an de grâce 1814.
Le Prince de BENEVENT
Le Prince de METTERNICH
ARTICLE ADDITIONNEL
Le terme de dix jours admis en vertu des stipulations de l’article trois de la Convention de ce jour pour l’évacuation des places sur le Rhin, et entre ce fleuve et les anciennes frontières de la France, est étendu aux places, forts et établissements militaires, de quelque nature qu’ils soient, dans les Provinces Unies des Pays-Bas.
Le présent article additionnel aura la même force et valeur comme s'il était textuellement inséré à la Convention de ce jour.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs l'ont signé, et y ont fait apposer le cachet de leurs armes.
Fait à Paris le 23 avril de l’an de grâce 1814.
Le Prince de BENEVENT
Le Prince de METTERNICH
ARTICLE SECRET
Les places fortes qui doivent être évacuées par la France étant débloquées aussitôt après la signature de la présente Convention, toutes les réquisitions de la part des commandants de ces places devront cesser. Les propriétés publiques et privées desdites places seront conservées intactes ; celles qui auraient été distraites et qui existent encore, en tout ou en partie, seront restituées. Cette dernière stipulation est particulièrement applicable à la banque de Hambourg. Le Gouvernement français s'engage à donner les ordres nécessaires pour l'exécution de cet article.
Le présent article secret aura la même force et valeur que s'il était inséré mot à mot à la Convention patente de ce jour.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont apposé le cachet de leurs armes.
Fait à Paris le 23 avril de l’an de grâce 1814.
Le Prince de BENEVENT
Le Prince de METTERNICH
N.B. Cette convention a été conclue à la même date, directement et séparément, quoique en termes identiques, entre la France et chacune des Puissances Alliées. Les Plénipotentiaires ont été, du côté de la France, le Prince de Bénévent ; du côté de l’Autriche, le Prince de Metternich ; du côté de l’Espagne, don José Garcia de Léon y Pizarro, ministre d’Espagne en Prusse ; du côté de la Grande-Bretagne, le vicomte Castelreagh, le comte d’Aberdeen et le vicomte Cathcart ; du côté de la Prusse, le baron de Humbolt ; du côté de la Russie, le comte Razoumowski et le comte de Nesselrode. Le Portugal adhéra à cette même convention par acte spécial du 8 mai 1814.