CONVENTION
SIGNEE A LONDRES
LE 7 MAI 1832,
ENTRE
LA FRANCE, LA GRANDE-BRETAGNE
ET LA RUSSIE D'UNE PART,
ET LA BAVIERE, DE L'AUTRE,
POUR ORGANISER
D'UNE MANIERE DEFINITIVE
L'ETAT POLITIQUE DE LA GRECE,
APRES LA NOMINATION
DU PRINCE OTHON DE BAVIERE
AU TRONE DE CE NOUVEAU ROYAUME
Les Cours de France, de la Grande-Bretagne et de Russie, exerçant le pouvoir qui leur a été déféré par la nation grecque, de choisir un Souverain pour la Grèce, érigée en un état indépendant, et voulant donner à ce pays une nouvelle preuve de leurs dispositions bienveillantes, par l'élection d'un prince issu d'une maison royale dont l'alliance ne peut qu’être essentiellement utile à la Grèce, et, qui déjà s’est acquis des titres à son affection et à sa gratitude, ont résolu d'offrir la Couronne du nouvel état grec au Prince Frédéric Othon de Bavière, fils puîné de S.M. le Roi de Bavière.
De son côté, S.M. le Roi de Bavière, agissant en qualité de tuteur dudit Prince Othon pendant sa minorité, entrant dans les vues des trois Cours, et appréciant les motifs qui les ont engagées à faire tomber leur choix sur un Prince de sa Maison, s’est décidée à accepter la Couronne grecque pour son fils puîné le Prince Frédéric Othon de Bavière.
En conséquence, et à l'effet de convenir des arrangements que cette acceptation rend nécessaires, LL. MM. le Roi des Français, le Roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, et l'Empereur de toutes les Russies, d'une part ; et S.M. le Roi de Bavière, de l'autre, ont nommé pour leurs P.P. savoir :
S.M. le Roi des Français, le sieur Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Prince Duc de Talleyrand, pair de France, Ambassadeur Extraordinaire et Ministre P.P. de sadite M. près S.M. Britannique, grand'croix de la Légion d'honneur, chevalier de l'ordre de la Toison d'or, grand’croix de l'ordre de Saint-Étienne de Hongrie, de l'ordre de Saint-André, de l’ordre de l'Aigle Noir, etc.
S.M. le Roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, le très honorable Henri-Jean Vicomte Palmerston, Baron Temple, pair d'Irlande, conseiller de S.M. britannique en son conseil privé, membre du Parlement, et son principal secrétaire d'Etat, ayant le département des affaires étrangères ;
S.M. l'Empereur de toutes les Russies, le sieur Christophe Prince de Lieven, général d'infanterie de ses armées, son aide-de-camp le général, Ambassadeur Extraordinaire et P.P. près S.M. Britannique, chevalier des ordres de Russie, grand'croix de l'ordre de l'Aigle Noir et Rouge de Prusse, de l'ordre royal des Guelphes , commandeur grand-croix de l’Epée de Suède et commandeur de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; et le sieur Adam, comte de Matuszewic, conseiller privé de sadite M., chevalier de l'ordre de Sainte-Anne de la première classe, grand’croix de l'ordre de Saint Vladimir de la deuxième, grand’croix de l'ordre de l'Aigle Rouge de Prusse de la première, commandeur de l'ordre de Léopold d’Autriche, et de plusieurs autres ordres étrangers ;
Et S.M. le Roi de Bavière, le sieur Auguste Baron de Cetto, son Envoyé Extraordinaire et Ministre P.P. près S.M. Britannique ;
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, ont arrêté et signé les articles qui suivent :
Article 1er. Les Cours de France, de la Grande-Bretagne et de Russie, dûment autorisées à cet acte par la nation grecque, offrent la souveraineté héréditaire de la Grèce au Prince Frédéric-Othon de Bavière, fils puîné de S.M. le Roi de Bavière.
Article 2. S.M. le Roi de Bavière, agissant au nom de sondit fils, encore mineur, accepte pour lui la souveraineté héréditaire de la Grèce, aux conditions déterminées ci-dessous.
Article 3. le Prince Othon de Bavière portera le titre de Roi de la Grèce.
Article 4. La Grèce, sous la souveraineté du Prince Othon de Bavière et la garantie des trois Cours, formera un état monarchique indépendant ainsi que le porte le protocole signé entre lesdites Cours, le 3 février 1830, et accepté tant par la Grèce, que par la Porte Ottomane.
Article 5. Les limites définitives du territoire grec seront telles qu'elles résulteront des négociations que les Cours de France, de la Grande-Bretagne et de Russie viennent d'ouvrir avec la Porte Ottomane, en exécution du protocole du 26 septembre 1831.
Article 6. Les trois Cours s’étant réservé de convertir en Traité définitif le protocole du 3 février 1830, dès que les négociations relatives aux limites de la Grèce seront terminées, et de porter ce Traité à la connaissance de tous les États avec lesquels elle se trouvent en relations, il est convenu qu'elles rempliront cet engagement et que S.M. le Roi de la Grèce deviendra partie contractante au Traité dont il s'agit.
Article 7. Les trois Cours s’employeront dès à présent à faire reconnaître le Prince Othon de Bavière, en qualité de Roi de la Grèce, par tous les Souverains et États avec lesquels elle se trouvent en relations.
Article 8. La couronne et la dignité royales, devant être héréditaires en Grèce, passeront aux descendants et héritiers directs du Prince Othon de Bavière par ordre de primogéniture. Si le Prince Othon de Bavière venait à décéder sans postérité directe et légitime, la couronne grecque passera à son frère aîné puîné, et à ses descendants et héritiers directs et légitimes, par ordre de primogéniture. Si ce dernier venait à décéder également sans postérité directe et légitime, la couronne grecque passera au frère puîné de celui-ci et à ses descendants et héritiers directs et légitimes, par ordre de primogéniture. Dans aucun cas, la couronne grecque et celle de Bavière ne pourront se trouver réunies sur la même tête.
Article 9. La majorité du Prince Othon de Bavière, en sa qualité de Roi de la Grèce, est fixé à vingt ans révolus, c'est-à-dire, au 1er juin 1835.
Article 10. Pendant la minorité du Prince Othon de Bavière, Roi de la Grèce, ses droits de souveraineté seront exercés en Grèce, dans toute leur plénitude, par une Régence composée de trois conseillers qui lui seront adjoints par S.M. le Roi de Bavière.
Article 11. Le prince Othon de Bavière conservera la pleine jouissance de ses apanages en Bavière, S.M. le Roi de Bavière s'engage en outre, à faciliter, autant qu’il sera en son pouvoir, la position du Prince Othon en Grèce, jusqu'à ce que la dotation de la Couronne y soit formée.
Article 12. En exécution des stipulations du protocole du 26 février 1880 S.M. l'Empereur de toutes les Russies s'engage à garantir et L.L. MM. le Roi des Français et le Roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande s'engagent à recommander, l'un à son Parlement, l'autre à ses Chambres, de les mettre à même de se charger de garantir, aux conditions suivantes, un emprunt qui pourra être contracté par le Prince Othon de Bavière, en sa qualité de Roi de la Grèce :
1°. Le principal de l'emprunt à contracter sous la garantie des trois Cours pourra s'élever jusqu'à la concurrence de soixante millions de francs ;
2°. Ledit emprunt sera réalisé par séries de vingt millions chacune ;
3°. Pour le présent, la première série sera seule réalisée, et les trois Cours répondront, chacune pour un tiers, de l'acquittement des intérêts et du fonds d'amortissement annuels de ladite série ;
4°. La seconde et la troisième séries dudit emprunt pourront être réalisées selon les besoins de l'Etat grec à la suite d'un concert préalable entre les trois Cours et S.M. le Roi de la Grèce ;
5°. Dans le cas où, à la suite d'un tel concert, la deuxième et la troisième séries de l'emprunt mentionné ci-dessus seraient réalisées, les trois Cours répondront, chacune pour un tiers, de l'acquittement des intérêts et du fonds d'amortissement annuels de ces deux séries, ainsi que de la première ;
6°. Le Souverain de la Grèce et l'Etat grec seront tenus d’affecter au paiement des intérêts et du fonds d'amortissement annuels de celles des séries de l'emprunt qui auraient été réalisées sous la garantie des trois Cours, les premiers revenus de l'État, de telle sorte que les recettes effectives du trésor grec seront consacrées, avant tout, au paiement desdits intérêts et dudit fonds d'amortissement, sans pouvoir être employées à aucun autre usage, tant que le service des séries réalisées de l'emprunt, sous la garantie des trois Cours, n’aura pas été complètement assuré pour l'année courante. Les représentants diplomatiques des trois Cours en Grèce seront spécialement chargés de veiller à l'accomplissement de cette dernière stipulation.
Article 13. Dans le cas où les négociations que les trois Cours ont déjà entamées à Constantinople pour le règlement définitif des limites de la Grèce donneraient lieu à une compensation pécuniaire en faveur de la Porte Ottomane, il est entendu que le montant de cette compensation sera prélevé sur les produits de l'emprunt dont il a été question dans l'article précédent.
Article 14. S.M. le Roi de Bavière facilitera au Prince Othon les moyens d’enrôler en Bavière, pour le prendre à son service en qualité de Roi de la Grèce, un corps de troupes qui pourra se monter à trois mille cinq cents hommes, qui sera armé, soldé et équipé par l'Etat grec, et qui y sera envoyé le plus tôt possible, afin de relever les troupes de l'Alliance laissées en Grèce jusqu'à présent. Ces dernières y resteront entièrement à la disposition du gouvernement de S.M. le Roi de la Grèce, jusqu'à l'arrivée du corps mentionné ci-dessus.
Article 15. S.M. le Roi de Bavière facilitera également au Prince Othon les moyens d'obtenir l'assistance d'un certain nombre d'officiers bavarois, lesquels organiseront en Grèce une force militaire nationale.
Article 16. Aussitôt que faire se pourra, après la signature de la présente convention, les trois conseillers qui doivent être adjoints à S.A.R. le Prince Othon par S.M. le Roi de Bavière pour composer la Régence de la Grèce, se rendront en Grèce, y entreront dans l'exercice du pouvoir de ladite Régence, y prépareront toutes les mesures dont sera accompagnée la réception du Souverain, lequel, de son côté, se rendra en Grèce dans le plus bref délai possible.
Article 17. Les trois Cours annonceront à la nation grecque, par une déclaration commune, le choix qu'elles ont fait de S.A.R. le Prince Othon de Bavière, pour Roi de la Grèce, et prêteront à la Régence tout l’appui qui pourra dépendre d'elles.
Article 18. La présente convention sera ratifiée et les ratifications en seront échangées à Londres dans six semaines, ou plus tôt si faire se peut.
En foi de quoi, les P.P. respectifs l'ont signée ils y ont apposé le sceau de leurs armes.
Fait à Londres, le 7 Mai, l'an de grâce 1882.
TALLEYRAND.
PALMERSTON.
LIEVEN.
MATUSZEWICZ.
A. DE CETTO.