TRAITE
CONCLU A PARIS
LE 15 NIVOSE AN VIII [5 JANVIER 1800]
ENTRE LA REPUBLIQUE FRANCAISE
ET LA REPUBLIQUE BATAVE,
SUR DES CESSIONS DE TERRITOIRES
ET AUTRES POINTS LITIGIEUX
La République Française et la République Batave désirant résoudre quelques questions litigieuses qui se sont élevées entre elles, par une transaction amicale et réciproquement avantageuse aux deux Puissances Contractantes, ont nommé pour s’entendre sur ces différents objets, savoir : Le Premier Consul de la République Française, le citoyen Talleyrand, Ministre des Relations Extérieures ; et le Directoire Exécutif de la République Batave, le citoyen Schimmelpenninck, son Ambassadeur Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire auprès de la République Française, lesquels, après l’échange de leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :
Art 1er. La République Française abandonne, cède et transporte à la République Batave, toutes ses prétentions et tous ses droits, de quelque nature qu’ils soient à présent ou qu’ils puissent être par la suite, et sous quelque dénomination qu’ils existent, sur les biens de toute nature possédés dans l’étendue du territoire Batave, ou sur ses habitants, par les émigrés Français et ceux des pays réunis à la France ; par le clergé Français, et celui des neuf départements réunis formant la ci-devant Belgique, l’Electeur Palatin, comme propriétaire de Ravenstein, Megen et autres lieux ; la Maison de Zultzbach y compris la Seigneurie de Boxmer, la Maison de Salm, y compris la Seigneurie d’Anhalt dans le canton de Zutphen, et en général sur les biens de tous les autres Princes ou Seigneurs de l’Empire qui, possessionnés en Hollande avant la guerre actuelle, y ont perdu par les suites de cette guerre toute prétention à l’exercice de leurs droits et à la jouissance de leurs propriétés.
La petite ville de Hussen, située dans l’île de Betave sur la rive gauche du Rhin, et son territoire, y compris Malburgen et Hulhuysen, comme aussi quelques villages dans le pays de Kuyck, enclavés dans le territoire de la République Batave, font partie de la présente cession.
L’abandon des biens ecclésiastiques, consenti en faveur de la République Batave, s’étendra également à mesure que la réforme sera effectuée sur ceux qui dépendent des quatre nouveaux départements conquis de la rive gauche du Rhin, et qui sont situés sur le sol Batave, ainsi que sur tous les droits qui pourraient appartenir à la République Française sur ledit territoire, à raison de la réunion définitive de ces mêmes quatre départements, de manière qu’elle ne donne aucun prétexte à une répétition quelconque.
La présente concession entraîne avec elle au profit de la République Batave, l’abandon des revenus et loyers arriérés qui peuvent être dûs dans ce moment sur les biens dont cette transaction lui assure la jouissance et la propriété.
Art. 2. La République Française en transportant dès à présent à la République Batave, l’occupation et possession de tous les biens et droits ayant appartenu à l’Electeur Palatin, et à tous les autres Princes et Seigneurs de l’Empire avec lesquels elle a été en guerre, et qui sont situés dans l’étendue du territoire Batave, promet et s’engage de plus, de lui en faire abandonner, lors de la paix générale avec l’Empire, l’irrévocable et absolue propriété, par les intéressés ; d’interposer à cet égards ses bons offices, et d’employer à cet effet tous les moyens qu’elle emploiera pour s’assurer à elle-même la libre et tranquille possession des pays qu’elle a conquis et qu’elle jugera convenable de conserver.
Art. 3. La cession de la Seigneurie de Ravenstein, stipulée dans l’art. 1er, ne comprend que la portion de cette Seigneurie qui se trouve enclavée dans le territoire Batave.
Art. 4. La présente cession emporte avec elle l’universalité des droits appartenant à la République Française dans l’étendue des possessions Bataves, à l’exception de la Maison de France à la Haye, ci-devant appropriée à la Légation Française.
Art. 5. En considération des concessions stipulées par les articles précédents, la République Batave paiera à la République Française, après l’échange des ratifications respectives du présent traité, et dans les termes convenus entre les deux Gouvernements, la somme de 6,000,000 de francs.
Art. 6. La présente transaction n’aura son effet qu’après avoir été ratifié par les Parties Contractantes, et les ratifications seront échangées à Paris, dans le moindre délai possible, et, à compter du 15 nivôse, ce délai ne pourra excéder quinze jours.
En foi de quoi, nous soussignés Ministre Plénipotentiaire de la République Française et Ambassadeur Extraordinaire de la République Batave, en vertu de nos pleins pouvoirs, avons signé le présent traité et y avons fait apposer nos sceaux respectifs.
Fait à Paris le 5 janvier 1800, an VI de la liberté Batave [15 nivôse an VIII].
Ch. M. TALLEYRAND
B. J. SCHIMMELPENNINCK
Les pays, tels que celui de Ravenstein, les villages et communes dont la souveraineté est transportée par le présent Traité à la République Batave, sont cédés et reçus à titre d’acompte sur l’indemnité territoriale promise à la République Batave par l’art.16 du Traité de la Haye, les deux Républiques se proposant de s’entendre sur les moyens de parvenir à l’exécution complète de l’article 16 du Traité de la Haye.
Ch. M. TALLEYRAND
B. J. SCHIMMELPENNINCK
Art. 1er. La concession stipulée dans l’art. 1er de la transaction de ce jour, comprend également, au profit de la République Batave et avec la même garantie, l’abandon des droits de la République Française sur toutes les propriétés des ordres de Malte et Teutonique situées sur le sol Batave.
Art. 2. En faveur de cette transaction, et par suite de l’amitié qui unit les deux Nations, la R2publique Française promet et s’engage d’interposer, lors de la paix générale avec l’Empire, ses bons offices auprès de S. M. Prussienne pour la déterminer à abandonner à la République Batave, ses droits sur le district de Sevenaer enclavé dans le territoire de cette République, et vulgairement connu sous le nom de Liemers. De plus, la République Française promet et s’engage, de faire payer à la République Batave, dans l’espace de deux mois, la somme de 2,000,000 de francs, faisant partie des avances faites par la régence de Batavia à l’escadre française commandée par l’amiral Sercey dans l’Inde, et pour le paiement de laquelle cet officier général a visé et fait contresigner par le chef civil Bize, différentes lettres de change sur la Trésorerie de la Marine à Paris, qui n’ont pas été encore acquittées.
Pour parvenir au paiement de ces 2,000,000 de francs, le Gouvernement français fera délivrer à l’Ambassadeur de la République Batave dix ordonnances de 200,000 francs chacune payables, de mois en mois, à compter du 1er messidor prochain.
Le reste de la créance sera payé à la République Batave, après que la totalité de cette dette aura été liquidée.
Les présents deux articles séparés et secrets auront la même force que s’ils étaient mot à mot insérés dans la transaction publique signée aujourd’hui et ils seront ratifiés par les Parties Contractantes.
En foi de quoi, nous soussignés Ambassadeur Extraordinaire de la République Batave et Ministre Plénipotentiaire de la République Française, en vertu de nos pleins pouvoirs, avons signé les présents articles et y avons fait apposer nos sceaux respectifs.
Fait à Paris le 15 nivôse an VIIII de la République Française [5 janvier 1800].
Ch. M. TALLEYRAND
B. J. SCHIMMELPENNINCK