13 septembre 1831

Monsieur le comte,

J’ai reçu, hier soir, assez tard, par le Foreign Office, la dépêche que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 10 de ce mois par laquelle vous me mandez que le gouvernement du Roi a pris la résolution de rappeler la totalité des troupes qu’il avait envoyées en Belgique, et qu’au 30 septembre l’armée française aura complètement évacué ce territoire.

Le gouvernement anglais et les membres de la Conférence ont appris avec la plus grande satisfaction la détermination du gouvernement du Roi. Ils y trouvent une nouvelle preuve de ses sentiments de conciliation et ils y connaissent cet esprit de modération et de sagesse qui leur fait faire des vœux si sincères pour la durée de l’administration actuelle.

J’ai eu l’honneur de vous mander hier que le gouvernement anglais envoyait dans le Tage deux vaisseaux de guerre ; ils y trouveront, pour augmenter leurs forces, une frégate et un brick.

Le discours du roi Léopold, à l’ouverture des Chambres en Belgique, a produit ici une assez faible sensation. Tout le monde l’a trouvé un peu long ; les Tories, mais seulement les Tories, lui trouvent une direction trop favorable à la France. Cette observation répond suffisamment aux journaux qui ne voulaient voir dans le prince Léopold qu’un prince anglais.

Les derniers protocoles ont produit un bon effet à La Haye, et j’ai appris par les ministres hollandais qui sont ici que des ordres ont été envoyés au général Chassé afin qu’il fit fermer les digues en même temps que l’on ferait disparaître de l’autre côté les batteries élevées par les belges. Le général Chassé offrira même l’assistance des ingénieurs et ouvriers dont les belges pourraient avoir besoin. Ces dispositions donnent lieu de croire que MM. Belliard et Adair rencontreront moins de difficultés dans l’accomplissement de la mission que la Conférence vient de leur confier.

Les ambassadeurs accrédités à la cour d’Angleterre ont reçu de leur cabinets des lettres qu’ils doivent présenter au roi à l’occasion de son couronnement. Je crois que, malgré les choses obligeantes que j’ai été charger de dire lorsque S. M. avait pensé à nommer un ambassadeur extraordinaire pour cette solennité, ce qui est plus que n’ont fait les autres, il serait convenable que je remisse aussi une lettre du Roi ; je vous prierai, M. le comte, si vous en jugez ainsi, de me la faire parvenir avant le 22 parce que passé cette époque, S. M. britannique ne sera plus à Londres.

M. le général Baudrand, qui veut bien se charger de cette lettre vous fera connaître, avec exactitude, la situation politique de ce pays ; la question de la réforme en est toujours le trait principal. Le ministère, malgré la forte opposition qu’il s’attend à trouver dans la chambre des Pairs, a la confiance que le bill y sera adopté, et il compte sur un certain nombre de membres de la chambre haute qui, bien qu’opposées à la mesure de la réforme, craindraient, en la repoussant, de jeter le gouvernement et le pays dans de fâcheux embarras.

Le duc de Wellington et aussi de Wellesley, n’étaient hier, au dîner du Roi parce que leur mère, qui avait 93 ans, vient de mourir.

Agréez, Monsieur le Comte, l’assurance de ma haute considération.

Ch. Mau. TALLEYRAND.