N° 88

Londres, le 4 août 1834

Monsieur le comte,

J’ai reçu la dépêche que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire sous le N° 71.

La session du Parlement touche à sa fin ; on croit que la chambre des Communes aura terminé ses travaux vers la fin de cette semaine. La chambre des Pairs doit encore s’occuper du Bill important qui règle le rachat des dîmes de l’église d’Irlande. Cette question très grave et qu’on croyait devoir amener, comme j’avais eu l’honneur de vous l’annoncer dans le temps, une collision entre les deux chambres du Parlement donnera probablement lieu à des débats animés dans la chambre haute. Il est difficile dans prévoir le résultat. Il reste démontré après le rejet du Bill des dissenters, par une majorité si considérable que le parti de l’opposition dans la chambre des Pairs a entre ses mains le pouvoir de faire rejeter le Bill sur les dîmes de l’église d’Irlande ; mais s’il adopte cette mesure il place le clergé protestant irlandais dans la plus malheureuse position ; car il n’y a pas de fonds votés cette année-ci comme l’année dernière pour compenser au clergé irlandais la perte des dîmes dont la perception a été si difficile depuis plusieurs années et qui serait impossible aujourd’hui sans causer un soulèvement presque général en Irlande. L’opposition à la chambre des Pairs va donc se trouver dans la délicate nécessité ou de consommer par l’acceptation du Bill ce qu’elle croit être la ruine de l’église protestante d’Irlande ou de réduire par le rejet du Bill le clergé irlandais à une misère momentanée.

Le ministère affecte de se montrer indifférent à la résolution de la chambre des Pairs, bien déterminé qu’il est à abandonner le clergé irlandais à son malheureux sort, si le Bill est rejeté et à reporter toutes les conséquences de ce rejet sur le parti qui l’aura provoqué. Il espère cependant, comme il arrive souvent en pareilles circonstances, l’opposition cédera aux exigences du moment et abandonnera le principe qu’elle a mis en avant par pitié pour le clergé protestant d’Irlande.

>Le marquis de Mira-Flores a adressé sous la date d’hier une nouvelle note à lord Palmerston d’après les ordres qu’il vient de recevoir de sa Cour. J’en aurai communication dans la journée et j’espère être en état de vous en envoyer la traduction demain par la poste.

Agréez, Monsieur le comte, l’assurance de ma haute considération.

Ch. Mau. TALLEYRAND.