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MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 13




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LETTRE

DU PRINCE DE TALLEYRAND

AU

COMTE DE RIGNY

MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES

EN DATE DU

7 AVRIL 1834







N° 34

Londres, le 7 avril 1834

Monsieur le comte,

Je viens d’apprendre, d’une manière indirecte, il est vrai, que le Roi vous avait appelé à la direction du département des Affaires étrangères et je ne veux pas attendre la confirmation de cette nouvelle pour vous exprimer le plaisir qu’elle me fait éprouver.

Je ne doute pas qu’elle produise le même effet sur le gouvernement anglais et d’après ce que j’ai recueilli dans différentes conversations avec Sa Majesté britannique sur l’opinion qu’elle avait de vous. J’ai acquis la conviction que le choix du Roi sera, dans les circonstances actuelles, personnellement très agréable au Roi d’Angleterre.

Les ministres anglais ne sont point encore rentrés en ville et je ne pourrai par conséquent pas voir lord Palmerston aujourd’hui pour l’entretenir des affaires que m’avait recommandées M. le duc de Broglie dans les dépêches qu’il m’a écrites sous les N° 26 et 27.

Je ne manquerai pas de vous rendre compte successivement du résultat de mes démarches sur ce qui dans ces dépêches est relatif à l’Espagne, au Portugal et à la Diète germanique, mais je ne perds pas de temps à appeler votre attention sur une question qui me parait la mériter toute entière, je veux parler des affaires de Turquie et principalement de nos rapports avec l’Angleterre à ce sujet.

Le commandement si honorable et si important que vous avez longtemps rempli dans l’archipel de la Grèce ; la connaissance approfondie que vous avez acquise des intérêts et de la situation des diverses Puissances en Orient ; la position que vous occupez depuis plusieurs années dans le gouvernement et au moyen de laquelle vous avez été tenu au courant de toutes les relations politiques de la France, me dispensent, Monsieur le comte, de rappeler des faits et des événements qui sont parfaitement présents à votre mémoire. Je m’arrêterai donc seulement à ce qui s’est passé récemment.

Si vous voulez bien vous faire représenter la dépêche que j’eus l’honneur d’adresser à M. le duc de Broglie le 24 décembre dernier sous le N° 213, vous y trouverez l’exposé d’un projet de traité d’alliance défensive que j’avais soumis au cabinet anglais ; ce traité entre la France et la Grande Bretagne qui, dans mon esprit, devait être basé sur le maintien du statu quo européen, avait l’avantage de s’appliquer non seulement aux affaires d’Orient mais encore à toutes les complications qui pouvaient surgir d’ailleurs. La dépêche que je viens d’indiquer en contient les développements. La proposition ne fût point accueillie par le gouvernement anglais et si je ne dus pas insister alors pour la faire prévaloir, je ne restais pas moins convaincu de son utilité.

Plus de trois mois se sont passés depuis cette époque et les événements qui les ont rempli n’ont pu que me confirmer dans l’opinion qu’un traité d’alliance défensive tel que nous l’avion conçu était devenu, pour ainsi dire, une nécessité aussi bien pour l’Angleterre que pour la France.

En effet, les discussions dans le Parlement anglais et à la chambre des Députés ont révélé des inquiétudes que les explications de la Russie ni celles de la Porte ottomane n’ont été de nature à calmer complètement les efforts des gouvernements du Nord d’une part et de la presse périodique de l’autre qui ont redoublé pour arriver à rompre ou du moins à affaiblir l’union intime qui existe entre la France et la Grande Bretagne, et on ne doit pas se dissimuler que ces tentatives n’ont pas laissé que de faire quelque impression dans ce pays-ci. La modification que vient de subir le cabinet français a déjà été interprétée dans le même sens et c’est par tous ces motifs réunis que je crois qu’il serait utile de renouveler, en ce moment, la tentative infructueuse du mois de décembre dernier en proposant maintenant à l’Angleterre de faire avec nous un traité d’alliance défensive.

Ce sera d’abord la meilleure réponse à faire à ceux qui nous accusent de nous être retirés de l’alliance anglaise pour nous rapprocher de la Russie ; ce sera aussi le meilleur moyen de dissiper la méfiance du cabinet anglais si par hasard il en avait conçu sur notre bonne foi.

Dans le cas où le gouvernement anglais, mieux inspiré cette fois, entrerait dans nos vues, il est indubitable que nous en tirerions de grands avantages. Un traité d’alliance entre les deux gouvernements consoliderait notre situation en Europe. Il offrirait pour tous un gage de sécurité et de maintien de la paix, parce qu’il mettrait fin à toutes les intrigues des autres cabinets pour nous séparer.

Vous devez être bien persuadé, Monsieur le comte, qu’en plaçant le gouvernement du Roi dans cette voie, je ne prétends nullement l’isoler en Europe, ni lui faire épouser toutes les querelles bien ou mal fondées de l’Angleterre. Un tel résultat serait l’opposé de ma pensée. Je suis intimement convaincu qu’un témoignage éclatant de l’union des deux pays ne tendrait qu’à rapprocher de nous les autres cabinets qui, obligés d’accepter un fait consommé, n’attacheraient que plus de prix à atténuer les conséquences dans ce qui pourrait les atteindre.

Si les considérations que je viens d’exposer vous frappaient autant que moi, Monsieur le comte, et qu’elles eussent assez de valeur pour décider le gouvernement du Roi à essayer une nouvelle tentative d’alliance avec le gouvernement britannique il faudrait que vous ne tardassiez pas à en entretenir lord Granville et même lord Durham lors de son séjour à Paris. De mon côté, je ne négligerais rien pour faire prévaloir ici notre proposition après que vous m’en auriez donné l’autorisation. Vous comprenez bien qu’alors il serait nécessaire aussi de m’adresser un plan général des conditions que vous voudriez faire entrer dans le traité.

Quoiqu’il en soit de ceci, Monsieur le comte, permettez-moi d’insister près de vous pour qu’on se hâte de choisir un successeur à l’amiral Roussin à Constantinople et qu’on fasse porter ce choix sur un homme habile, prudent et consommé dans les affaires. On éviterait par là des reproches tels que ceux que le ministère anglais s’est attiré au sujet du départ retardé de lord Ponsomby pour Constantinople.

Agréez, Monsieur le comte, l’assurance de ma haute considération.

Ch. Mau. TALLEYRAND.

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Pierre COMBALUZIER - 64000 PAU - FRANCE - 1997
Membre fondateur
de l'Association " Les Amis de TALLEYRAND "




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