N° 15

Londres, le 11 février 1834

Monsieur le duc,

Vous avez bien voulu me prévenir le 21 janvier dernier que le gouvernement du Roi avait consenti à donner du service militaire dans nos possessions d’Alger aux réfugiés polonais qui se trouvent à Harwick à bord d’un bâtiment prussien et que le ministre de la Marine préparait les moyens de les transporter en Afrique. Ces mesures n’ayant pas encore été mises à exécution, la position des réfugiés s’est aggravée. Prévenus de la décision favorable du gouvernement du Roi, ils ont employé des sollicitations plus pressantes et déjà les journaux les plus accrédités se sont occupés d’eux. Vous sentirez sans doute la nécessité, Monsieur le duc, de terminer cette affaire, qui devient gênante pour l’ambassade de France, exposée, comme elle l’est chaque jour à leurs réclamations. Je sais que de nouvelles demandes faites par un grand nombre de Polonais, qui sont actuellement à Portsmouth, ont pu retarder l’emploi des mesures qui avaient été ordonnées, mais soit que le gouvernement du Roi accorde à ces derniers la faveur qu’ils ont demandée, soit qu’il la restreigne à ceux qui sont à Harwick, je crois qu’il serait utile que les décisions qui auront été adoptées soient exécutées avec promptitude. Je pense, Monsieur le duc, que vous trouverez convenable d’en parler dans ce sens au ministre du Roi, dans les attributions duquel cette affaire se trouve spécialement placée.

J’ai reçu, Monsieur le duc, diverses informations que je crois devoir ajouter aux nouvelles de Portugal que je vous ai adressées hier.

L’échec éprouvé par les troupes de dom Miguel aurait été plus considérable qu’on ne l’avait annoncé d’abord, et dom Miguel, lui-même, aurait l’intention de se retirer à Elvas, dans la province de l’Alemtejo, pour s’y défendre jusqu’à ce qu’il soit obligé de capituler. Les succès militaires des troupes de dom Pedro ont produit sur des populations jusqu’alors indifférentes un effet très utile à sa cause, et dans la province du Minho, où l’autorité de dom Miguel subsistait encore, elle a été méconnue sur plusieurs points. Le duc de Bragance est parti pour Santorém décidé à enlever cette position importante à dom Miguel.

J’ai appris aujourd’hui que l’infant dom Carlos était, au départ des dernières lettres de Portugal, à Villa-Real dans la province de Tras os Montes, qu’il y était accompagné du curé Merino et qu’il n’était entouré que d’une centaine d’hommes. Il avait reçu de dom Miguel l’autorisation de puiser dans les caisses de l’état, et il usait de cette autorisation jusqu’à employer les réquisitions forcées.

J’ai l’honneur de vous adresser une dépêche de La Haye, qui est arrivée ce matin.

Agréez, Monsieur le duc, l’assurance de ma haute considération.

Ch. Mau. TALLEYRAND.