LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
DUC DE BROGLIE
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
19 AVRIL 1833
N° 97
Londres, le 19 avril 1833
Monsieur le duc,
Vous avez reçu la note qui nous a été remise, le 16, par M. Dedel et que j’ai eu l’honneur de vous transmettre le même jour. Dans l’entrevue que j’ai eue hier avec lord Palmerston nous avons attentivement examiné cette note et nous avons résolu d’y répondre. J’ai déterminé lord Palmerston à cette démarche parce qu’il me semble que nous offrirons par là au cabinet de La Haye une facilité pour revenir sur quelques-uns des points présentés dans la dernière note. Si, comme le comte de Matuzewic nous l’a promis avant son départ, il a pressé M. Ancillon d’employer son influence à La Haye pour agir sur l’esprit du roi des Pays-Bas, il est possible que M. Ancillon cède aux insistances que tous les membres de la Conférence lui ont fait parvenir par cette voie et que le roi Guillaume, à qui le plan de M. de Metternich parviendra sûrement, finisse par reconnaitre l’inutilité de ses efforts pour retarder la conclusion d’un arrangement. Dans ce cas il témoignerait plus aisément son bon vouloir dans une communication en réponse à la nôtre que dans une nouvelle note qui se trouverait en contradiction pour ainsi dire avec celle du 16 avril. Il vous suffira, Monsieur le duc, de prendre lecture de la note du 16 avril pour reconnaitre les points qui seront réfutés par nous ; j’espère que lord Palmerston sera bien demain pour que nous arrêtions ensemble la rédaction de notre réponse qui sera incessamment expédiée à La Haye.
Je partage entièrement votre opinion, Monsieur le duc, sur les embarras que nous causent les incertitudes de M. Ancillon, il est extrêmement difficile de le suivre dans les plans si variables et souvent si vagues qu’il jette en avant ; nous avons une nouvelle preuve de ses inconséquences dans la note du 16 avril que vous pouvez presque regarder comme son ouvrage. M. Dedel m’a dit confidentiellement qu’on retrouvait dans cette note plusieurs phrases des dépêches de M. Ancillon. Que cette note ait été fournie par lui ou par un autre, il est évident qu’elle est surtout destinée aux Etats-Généraux, sur lesquels on pense qu’elle produira bon effet, en présentant sous un jour avantageux les vues conciliantes du cabinet de La Haye, et c’est encore un motif pour ne pas laisser l’opinion publique en Hollande sous cette impression.
Le projet de convention provisoire de M. de Metternich que vous m’avez fait l’honneur de me transmettre est aussi parvenu à lord Palmerston avec la différence toutefois que dans celui adressé au ministère anglais, il est question de l’ouverture de la Meuse. Nous pensons comme vous, Monsieur le duc, que ce projet ne doit pas être rejeté sans examen, mais il faut voir s’il nous reviendra de Berlin comme il est parti de Vienne. L’avantage principal qu’il présente serait d’abord de rapprocher de nous les cabinets de Vienne et de Berlin et de lier l’amour propre de M. de Metternich au succès d’une négociation dont il s’attribuerait tout le mérite. Nous sommes assez disposés à lui donner satisfaction et pour mettre sa bonne foi à l’épreuve nous commencerons par ne traiter dans notre réponse à la note du 16 avril que la question d’une convention provisoire à conclure à peu près sur les bases de son projet auquel je désire ajouter cependant l’article relatif aux communications par le Limbourg.
Agréez, Monsieur le duc, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 13