2è LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
DUC DE BROGLIE
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
31 JANVIER 1833
N° 60
Londres, le 31 janvier 1833
Monsieur le duc,
J’ai eu l’honneur de vous transmettre le 28 de ce mois des copies de la communication de M. le baron de Zuylen, en réponse à la question que nous lui avions faite dans notre conférence du 16 janvier.
Hier M. de Zuylen a été invité à Londres au Foreign Office, et lord Palmerston lui a remis devant moi le procès-verbal, dont je joins une copie. Nous avons rédigé ce procès-verbal, avec l’intention de trouver dans la dépêche de M. Verstolk des dispositions conciliantes qui peut-être n’y sont pas, et aussi dans le but de connaitre la véritable pensée du cabinet de La Haye sur la négociation que nous lui avons proposé d’ouvrir ; car il est évident que si M. de Zuylen argumentait sur les termes de cette pièce, c’est qu’il n’était pas autorisé à entrer dans les voies franche de la négociation.
Après avoir pris lecture de notre procès-verbal M. de Zuylen s’est montré peu préparé à répondre ; il a balbutié quelques explications à peu près aussi inintelligibles que la lettre de M. Verstolk et il a fini par nous demander jusqu’à demain pour répondre à une pièce ; dont il avait besoin, disait-il de peser toutes les expressions.
Nous lui avons accordé ce délai et aujourd’hui il nous a transmis la note dont j’ai l’honneur de vous envoyer une copie.
Après en avoir pris lecture à notre conférence de ce matin, nous avons aussitôt demandé à M. le baron de Zuylen si, comme il nous l’avait dit la veille, il était effectivement muni des pouvoirs nécessaires pour négocier un traité définitif. Il nous a répondu qu’après avoir lu de nouveau ses instructions, il lui paraissait que ses pouvoirs n’étaient pas suffisants pour signer un traité définitif, auquel ne participeraient pas les cinq Puissances ; mais qu’il se croyait autorisé à négocier une convention provisoire, d’après le projet envoyé par nous à La Haye.
Nous n’avons pas manqué de lui faire remarquer tout ce qu’une pareille manière de traiter avait d’extraordinaire, et que nous ne saurions jamais sur quel terrain nous étions placés, s’il devait revenir chaque jour sur les déclarations de la veille. Il s’est fort embarrassé dans sa réponse, et je dois vous le dire, Monsieur le duc, je ne crois pas qu’il soit possible de rencontrer un négociateur plus fatigant que M. le baron de Zuylen, il ne mettra pas notre patience à bout cependant, et nous comptons bien, dans notre conférence de demain, le presser de façon à ce qu’il ne puisse nous entrainer dans de nouveaux détails.
Je vous rendrai compte de nos conférence lorsqu’elles jetteront quelque jour sur le dénouement que nous attendons si impatiemment.
Agréez, Monsieur le duc, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 13