LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
DUC DE BROGLIE
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
26 DECEMBRE 1832
N° 44
Londres, le 26 décembre 1832
Monsieur le duc,
J’ai vu hier lord Palmerston ; je lui ai communiqué le projet de traité qui était joint à la dépêche que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser le 22 de ce mois sous le N° 104. Nous avons lu avec beaucoup d’attention les différents articles que vous proposez de substituer à ceux du projet présenté par le cabinet prussien, et nous en avons discuté quelques-uns. Je ne puis vous parler encore que de la première impression produite par cette lecture sur l’esprit de lord Palmerston ; il a trouvé, qu’en général, on laissait dans le provisoire trop de questions qui, par leur importance réclament une solution ; et il pense que pour se présenter à La Haye avec quelques chances de succès il ne faut pas que la France et l’Angleterre paraissent n’avoir en vue dans leur projet de traité que de régler les intérêts belges d’une manière avantageuse.
Du reste je vous parle ici d’observations faites après une première lecture, j’espère être bientôt en état de vous donner des informations plus précises sur les vue du cabinet anglais dans l’affaire qui nous occupe. Lord Grey est venu aujourd’hui à Londres pour examiner et discuter avec lord Palmerston et les membres du cabinet qu’on a pu réunir les différents projets que j’ai remis à ce dernier ; on s’occupe à rédiger un contre-projet qui me sera communiqué et que je m’empresserai d’avoir l’honneur de vous transmettre. Il se pourrait que lord Palmerston conduisit demain Mamik Pacha à Brighton pour y être présenté au roi ; ce petit voyage retarderait alors l’envoi des observations des ministres anglais.
La nouvelle de la reddition de la citadelle d’Anvers a été reçue à Londres comme un nouveau gage du maintien de la paix et on pourrait dire que, sous ce point de vue, la satisfaction a été générale. J’ai été, par les soins de M. le préfet du Nord, le premier informé de la capitulation ; j’ai pu me servir utilement de ce renseignement en l’opposant aux écrits erronés de quelques journaux. Cela me fait vivement désirer, Monsieur le duc, que vous vouliez bien donner des ordres pour qu’on m’adresse de Lille toutes les nouvelles qui, par leur importance, mériteront d’être transmises par la voie du télégraphe.
Cette célérité dans les communications offrent l’avantage d’être instruit avant les journaux, et de pouvoir ainsi au besoin de démentir l’inexactitude de leurs récits, à laquelle nous sommes continuellement exposés.
Agréez, Monsieur le duc, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 12