LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
DUC DE BROGLIE
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
6 NOVEMBRE 1832
N° 21
Londres, le 6 novembre 1832
Monsieur le duc,
J’ai reçu les deux dépêches que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire sou la date du 2 novembre. Il me parait que les instructions que vous avez envoyées à M. de Latour-Maubourg expriment tout ce qu’il était possible de faire dans la circonstance donnée. Il est à espérer qu’elles auront produit à Bruxelles l’effet que vous en attendiez, mais, je le répète, il est presque impossible de mener des affaires avec des gens qui se montrent aussi difficultueux que M. le général Goblet.
J’ai entretenu M. le baron de Bülow de l’embarras qui se présenterait lorsqu’il s’agirait de faire la remise de Venloo et des autres portions de territoire aux troupes prussiennes dans le cas où son gouvernement accepterait la proposition qui lui a été faite par la France et l’Angleterre ; je lui ai fait comprendre que les Belges ne consentiraient à livrer Venloo et les territoires qu’après qu’ils seraient maîtres de la citadelle d’Anvers, mais que d’ailleurs il ne s’agissait ici que d’une question de dates, et qu’il me semblait facile d’arranger les choses de manière à ce que l’occupation prussienne commençât quelques jours plus tard. M. de Bülow, dans lequel je rencontre toujours les meilleures dispositions, m’a dit qu’il devait attendre la réponse de sa Cour à notre proposition avant de pouvoir me donner une opinion positive ; qu’il fallait savoir si le cabinet de Berlin accepterait cette proposition ou comme moyen de conservation, ainsi qu’on le demandait à Londres, ou comme garantie, ainsi qu’on l’avait laissé entendre dans les ouvertures faites antérieurement à Paris.
Vous voyez, Monsieur le duc, que je ne serai en état de vous communiquer quelque chose de nouveau sur ce point, qu’au retour du courrier prussien, qui n’aura pas lieu avant le 11.
M. le baron de Zuylen, qui a reçu de nouvelles instructions, comme vous avez dû le voir par la note de La Haye, est venu trouver ce matin MM. de Bülow et Wessemberg et les a priés de faire quelques nouvelles ouvertures qu’il pût communiquer à sa Cour. Es deux ministres lui ont déclaré qu’il ne pouvait plus venir de proposition que de la part du cabinet de La Haye. J’ai engagé MM. de Bülow et Wessemberg à déclarer en outre qu’on ne recevrait plus qu’une résolution finale et telle qu’elle pût être acceptée par la Belgique.
Agréez, Monsieur le duc, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 12