LETTRE
DU PRINCE DE TALLEYRAND
AU
COMTE SEBASTIANI
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES
EN DATE DU
5 NOVEMBRE 1831
5 novembre 1831
Monsieur le comte,
Sept habitants de Sunderland, petit port situé près de Newcastle, dans le comté de Durham, à 276 miles de Londres, ont été attaqués, il y a 4 jours, d’une maladie qui a tous les symptômes du choléra : cinq sont morts en peu d’heures. On pense que la maladie a été apportée par des bâtiments hambourgeois qui stationnent trop près de la ville. Elle parait avoir un caractère contagieux car une femme de l’hôpital où a été transporté un malade, l’ayant touché après sa mort, est tombée elle-même dans un état qui laissait peu d’espoir.
Dans les 48 heures qui ont suivies, la maladie n’avait fait aucun progrès et aucun individu n’avait été atteint.
Un des premiers médecins de Londres qui a des correspondances étendues en Angleterre me donnera chaque jour des renseignements exacts sur l’état de la maladie sr elle vient à s’établir et je vous les transmettrai avec la plus grande ponctualité.
Une union politique qui a pour objet d’assurer une réforme parlementaire s’est formée à Londres sous la présidence de sir Francis Burdett. Le gouvernement avait pensé que cette association, à laquelle la popularité de son président devait donner beaucoup d’influence, en préviendrait d’autres moins faciles à diriger ; mais il parait que sir Francis Burdett n’a plus inspiré autant de confiance qu’autrefois aux classes ouvrières. Elles sont appelées par des placards conçus dans l’esprit le plus démocratique à se réunir après-demain au faubourg d’Islington afin de délibérer sur une déclaration de droits et de principes.
Le gouvernement prend à ce sujet des précautions et dans chaque paroisse on a désigné un grand nombre de constables volontaires qui doivent fortifier l’action de la police.
Nous n’avons aucune nouvelle de La Haye : avant-hier nous avons appris le résultat de la délibération de la chambre des Représentant de Belgique.
J’ai reçu la dépêche que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 2 de ce mois.
Agréez, Monsieur le Comte, l’assurance de ma haute considération.
Ch. Mau. TALLEYRAND.
P. S. Il s’établit ici dans l’opinion que la maladie ne s’étant pas propagée pendant 2 jours à Sunderland, cette maladie n’est pas le choléra. Au reste j’aurai l’honneur de vous informer exactement de tout ce qui pourra fournir des éclaircissements complets à cet égard.
Nous venons d’apprendre que le Sénat belge a adopté, le 3 de ce mois, les 24 articles du traité à une très forte majorité.
IL y a des personnes qui pensent que les précautions prises par le gouvernement feront ajourner le meeting de lundi prochain et qu’une fois ajourné il n’aurait probablement pas lieu : mais ceci n’est qu’un bruit.
Je fais tous mes efforts pour que le roi de Hollande adhère au traité et la circonstance que vous m’indiquez dans votre dépêche du 2 donne encore plus de poids aux motifs qui font si vivement désirer son accession : mais vous devez sentir que notre action d’ici ne peut être immédiate. D’ailleurs bien peu de personnes ont de l’influence sur le roi de Hollande.
Je joins ici l’extrait d’un journal qui indique les mesures de précaution qui ont été prises à Londres contre le choléra.
MAE - ARCHIVES DE NANTES - AMBASSADE DE LONDRES - SERIE K - CARTON 11